Genre : seinen, psychologie, romance
Auteurs : Ise Katsura (scénario), Yoko (dessin)
Volumes parus : 4
Statut : Terminé
Autre : il existe un épilogue, After the Juvenile en deux chapitres au format roman.
En ce moment j'ai de la chance, j'accroche directement à toutes les séries sur lesquelles je tombe. Onani Master Kurasawa n'est pas très long, le titre comme les couvertures ne donnent vraiment pas envie, et pourtant, il s'y passe beaucoup de choses.
Le cadre de l'histoire a de quoi rebuter : Kurasawa est un collégien en pleine puberté dont le hobby secret et quotidien est de se masturber dans les toilettes des filles au 3e étage de son école. C'est un type associal et orgueilleux, qui méprise ses camarades de classe, qui ne s'intéresse à rien et qui ne rêve d'aucun avenir. En fait ses séances dans les toilettes le confinent d'autant plus dans un monde complètement fermé qu'elles représentent le seul plaisir de sa morne vie.
Pourtant, en une ligne : c'est une histoire d'erreurs, de rédemption et de ce qui se passe entre les deux.
Pour écarter d'abord d'un revers de main tous les préjugés que je sens déjà prendre forme, OMK
n'est pas un manga H. On ne trouve guère que quelques scènes de fantasme par-ci par-là, et pas une seule ne peut être véritablement considérée comme du fanservice. Amateurs de petites culottes, passez votre chemin.
OMK est encore moins un manga comique. Si l'on est bien dans un contexte school life/slice of life, OMK est avant tout un seinen psychologique.
Vous l'avez compris, ce n'est pas un manga joyeux, du moins pas dans sa première partie. Et si je l'ai trouvé aussi bon, c'est avant tout pour une chose : son réalisme. Rappelons que la perversité intérieure du héros, décrite sans compromis et dans toute sa vulgarité n'en est pas moins normale à son âge.
Pas de faux-semblant, pas de voile pudique, OMK est une œuvre très dépouillée de ce côté ; le manga sacrifie une certaine forme de beauté (il la trouve ailleurs, j'y reviendrai) pour s'approcher au plus près de la réalité. Et le pari est réussi. On peut vraiment assimiler, sans honte, le personnage de Kurosawa. Car celui-ci ne sort pas de nulle part, au contraire, il représente un profil qui lui est bien réel, et surtout, que je crois que nous (à des degrés divers s'entend) avons tous eu en nous quand nous avions le même âge. Qui n'a jamais évité de fréquenter certaines personnes "parce qu'elles craignent" ? Qui ne s'est jamais amusé une seule fois des malheurs subis par la tête de Turc de sa classe, participant indirectement à son humiliation publique ? Des exemples d'aspects abordés parmi tant d'autres.
L'histoire, bien consistante, ne s'arrête bien sûr pas aux petits jeux de Kurosawa.
On le voit témoin de l'humiliation systématique d'une fille de sa classe.
On le voit se faire piéger.
On le voit tomber amoureux pour la première fois de sa vie.
On le voit faire l'expérience de la jalousie, de la frustration, de la déception et du regret.
Enfin on le voit apprendre à se repentir, s'excuser, et rebâtir. C'est l'histoire, ou plutôt un moment de l'histoire d'un ado qui va à l'extrême et qui choisit malgré tout de grandir.
C'est de ce point de vue là que je trouve l'histoire jolie. Chaque scène, chaque passage a un sens, et leur enchaînement forme du début à la fin un ensemble parfaitement cohérent. Les auteurs voulaient raconter une anecdote. Ils l'ont fait
complètement. Et pas n'importe quelle anecdote : la morale d'OMK, mise en perspective avec, au pif, le nindo d'un certain "ninja" semble soudain donner sens au mot "courage". De la profondeur. Voilà qui fait toute la différence.
On a vu mieux en matière de dessin, il faut reconnaître que c'est un style assez unique. Très cru, au coup de crayon complètement apparent, il met une certaine ambiance qui en fait colle très bien à l'histoire. Les ombres prennent de l'importance, accentuant encore plus le relief créé par le ton réaliste du manga. Finalement je m'y suis habitué sans peine, et après coup je me sens assez stupide de ne pas avoir lu OMK plus tôt juste parce que les dessins ne me disaient rien au premier abord.
Pour toutes ces raisons OMK est une sorte de leçon de vie qu'on aurait peut-être du lire quand on avait cet âge, mais qui en même temps demande du recul pour être appréciée dans son intégralité. Surprise (essayez donc de deviner la ending girl), réalisme et complétion, voici pour moi les clés qui font de ce manga un chef-d’œuvre qu'on pourrait malheureusement manquer très facilement.