« Si votre génération ne prend pas immédiatement conscience des dangers,
tout est perdu. […] L’air va pourrir. Les espaces verts vont rapidement s’amenuiser.
L’oxygène sera de moins en moins renouvelé, alors que les combustions de toutes sortes,
doublées ou triplées en vingt ans, tendront à le remplacer de plus en plus vite par de
l’acide carbonique et toutes sortes de déchets agressifs. […] Qu’ont fait Khrouchtchev et Kennedy ? […]
les papes, les pasteurs, les Prix Nobel ? Rien ! Rien ! Rien ! Ils n’y pensent même pas parce
que ça ne les concerne pas ! Cela ne concerne que nos enfants : qu’ils se débrouillent ! »
René Barjavel, 1962, Les Nouvelles Littéraires, « Vénus et les enfants des hommes »
Mira et Kyoma ou le duo peu probable de récupérateurs
L’humanité aurait-elle entendu – avec retard – le message de Barjavel ? C’est l’impression qui peut naître en parcourant les premières pages de
Dimension W, un seinen de Yuji IWAHARA, débuté en 2011 et licencié en France chez Ki-oon (pour se plonger dans le début de l'oeuvre c'est par
ici).
Nous sommes en 2072. Les hommes et les femmes ont levé une limite importante : celle concernant les ressources énergétiques. Ils n’ont pas levé les yeux vers le ciel – pour partir conquérir l’espace – mais ont exploité, à partir de 2036, une nouvelle dimension ! La dimension W, pour être exact.
Comme il n'est pas possible pour l'humain d'entrer en contact physiquement avec elle, le lien a été établi grâce à la lumière et aux mathématiques. Les "contacts" se limitent ainsi à l'exploitation de l’énergie, inépuisable, provenant de cette dimension. Une réussite qui se matérialise dans la présence de 60 tours, dispersées à travers le monde, qui permettent l’utilisation de cette énergie en n’importe quel point du globe. Par quelle (seconde) prouesse cela est-il possible ? Une prouesse de quatre lettres : C-O-I-L. Une bobine électromagnétique inter-dimensionnelle alimentant tout un chacun de manière continue en électricité. Un système sans fil donc, qui concrétise l’idée de
Nikola Tesla.
Ce n’est alors pas (tout à fait) un hasard si l’entreprise gérant cette nouvelle technologie se nomme New Tesla Energy. Elle veille activement aux bons fonctionnement et usage des coils via le DAB (Bureau de contrôle dimensionnel) et ses troupes d’intervention d’élite (le QI). Car des coils illégaux circulent et, en plus de menacer les profits de New Tesla, ils peuvent servir des fins peu recommandables (fabrication d’armes...).
C’est ici qu’intervient un des deux personnages principaux : Kyoma Mabuchi. Guère en phase avec son époque (il n’utilise pas de coils, roule dans une voiture à essence et non électrique, n’aime pas les robots qui sont de plus en plus utilisés par les humains), il gagne sa vie (et le carburant pour sa voiture) en étant récupérateur... de coils illégaux. Armé d’aiguilles, ce chasseur de primes remplit différentes missions que lui confie Mary, une femme qu’il vaut mieux éviter de contrarier.
Suite à une mission qui ne s’est pas vraiment passée comme prévu, Kyoma se retrouve affublé d’une coéquipière : Mira*, un robot avec une queue qui dépasse (ce qui sera l’occasion de diverses phrases pouvant porter - ou non - à interprétation). Témoin, bien malgré elle, de certaines scènes embarrassantes, elle doit suivre les dernières paroles de son "père" qui lui a demandé de suivre la trace des coils illégaux. Travailler avec Kyoma était donc une voie toute indiquée...
Notre duo va devoir ainsi coopérer et se comprendre, ce qui n’est pas une mince affaire (on pense à I-Robot). Et leur première grande sortie les mettra sur la piste d’un utilisateur de coils illégaux célèbre en ce qu’il annonce des vols qu’il ne réalise jamais (tout en échappant à chaque fois à la police) : Loser, un espèce d’Iron-Man croisé avec Batman.
Comment sont produits les coils illégaux ? Qu'est-ce qui se cache derrière les coils ? L’exploitation de cette énergie est-elle si sûre que présentée ? Quels liens unissent Kyoma et Mary ? Qu'évoquent les images du passé de Kyoma ? Les questions ne manquent pas d'émerger dès le premier volume, pour une oeuvre présentée comme un entre-deux entre
CowBoy Bebop (serait-ce un faux Jet Black que l'on aperçoit ?) et
Edgar détective cambrioleur. Sans prétendre être LA série,
Dimension W offre un démarrage sans fausse note, avec des personnages qui accrochent rapidement à la lecture et un univers qui contient quelques jolies promesses**.
Dernier détail d'importance : c'est un manga que l'on peut retrouver dans le noir ! la couverture du premier tome étant fluorescente.
* Mira vient du japonais Mirai ("le futur"). Un contraste de plus avec l'attitude de Kyoma, vu comme un nostalgique, en décalage avec son époque.
** Sur le sujet, on pourra consulter un autre
avis sur ce premier volume.