Le katana
C’était par une belle journée de début d’été. Toute la résidence Uchiha était incommodée par une chaleur précoce, et Konoha tout entier ne demandait qu’à se rafraîchir à l’aide de n’importe quel moyen : boire, se baigner…
Itachi, lui, restait stoïquement debout en plein soleil, veillant jusqu’au bout à la sécurité des habitants de Konoha, en bon officier des forces spéciales. Fugaku, son père, qui était lui-même chef des forces spéciales, n’en aurait pas fait autant. Ah ! La jeunesse !
D’ailleurs, il venait de l’apprendre : Itachi allait être promu a un grade supérieur, peut-être même allait-il lui succéder en tant que chef. Contemplant son fils, debout sous le soleil de plomb, l’admirant même, Fugaku rentra chez lui…
Dès la nouvelle annoncée à sa femme et à son second fils, Sasuke, on se mit d’accord sur une petite soirée afin de marquer l’évènement. Manger des ramens ? Non… Se promener au square ? Rien d’autre qu’une promenade… Ce fut Sasuke qui lança l’idée : ce soir, ils iraient déguster un sorbet dans un quartier à l’ouest, tout en contemplant le crépuscule du 9 juin. Avec l’approbation du père et de la mère, ce qui l’étonna quelque peu car il était rare que les parents Uchiha prêtent attention à leur jeune fils.
C’était de plus l’anniversaire d’Itachi aujourd’hui ! Il avait treize ans ce jour-là. Double raison, donc, pour aller déguster sorbets, cornets chez Kawa-jima ce soir, tout en lui offrant un cadeau.
Et le soir vint avec le retour d’Itachi au foyer familial. Son père lui annonça son intention pour la soirée, et Itachi esquissa un petit sourire, ce qui traduit une sorte de ‘‘Très bien, si vous voulez…’’ Tout en marchant, Sasuke félicitait, comme à l’habitude, son frère pour sa future promotion. Itachi remerciait son frère pour tous ces compliments, en lui repondant par modestie qu’il avait la certitude qu’un jour il le dépasserait.
Itachi, il en étant conscient, réalisait des merveilles. Il était sans doute le meilleur combattant de sa tranche d’âge. Personne, à treize ans, n’était passé ninja de classe moyenne à huit ans, Anbu à treize... A quinze, il serait peut-être l’Hokage, qui sait ? Il était certain d’une chose en tout cas, c’est de la vénération vouée par Sasuke envers lui. Itachi constituait pour Sasuke un modèle, et en même temps, un rival. Il s’en doutait, Sasuke faisait preuve d’une rancœur cachée envers son frère aîné. On l’avait toujours mis de côté au profit d’Itachi… Maintenant, il brûlait d’envie de faire ses preuves depuis la rentrée, il y a deux mois, à l’Académie de Konoha. Hein, Sasuke ?
La famille s’installa à une terrasse où l’on pouvait avoir la vue la plus panoramique possible sur la grande cité que constituait le village caché. Et comme cela était beau sous le soleil couchant… Les nombreux toits, en briques, commençaient à refléter une couleur magnifiquement pourpre dans le ciel orange, l’ombre des cerisiers, des pommiers, se répandaient dans les rues de plus en plus inactives, silencieuses et tranquilles. Des bruits d’insectes, aussi, se faisaient entendre. Une belle, très belle soirée pour le treizième anniversaire d’Itachi.
- Voici ton cadeau, Itachi, annonça le père à un moment en tendant l’objet, un long katana avec les armoiries des Uchiha gravées dessus. De la part de nous tous. Fais-en bon usage…
- Merci, père, répondit Itachi avec un regard plutôt doux.
Il le prit en main tout de suite et l’essaya.
- Quelle maniabilité, fit-il, admiratif. Comme c’est léger ! s’exclama-t’il, en continuant ses mouvements.
Le père sourit. Ce n’était pas un sourire franc, mais assez pour montrer sa satisfaction devant son fils, content de son katana. Avec ça, Fugaku ferait sans doute de son fils un ninja illustre. Un ninja qui marquerait l’histoire du clan.
Puis il fit commander quatre sorbets. Les parfums étaient choisis individuellement. Ainsi, Itachi dégusta un sorbet aux pommes et aux poires, tout en regardant le soleil descendre à l’horizon.
La glace était bonne, il fallait l’avouer. Un vrai délice pour les papilles…
Mais intérieurement, Itachi trouverait cette glace tellement insipide… Plus, il la trouvait dégoûtante. Une glace. Une glace ! C’était indigne d’un Uchiha. Et là, le jeune homme voyait trois Uchiha, sans se compter lui-même, en train d’avaler quelque chose qui servirait plutôt à penser les plaies de la vie en apportant, en compensation, de la douceur. Non ! L’homme qu’il voyait là, son père, ce n’était pas un ninja ! Il ne savait pas vivre à la dure ! Il ne méritait pas ce titre honorifique ! Alors qu’Itachi, lui, avait été cet après-midi là le seul membre du clan qui ait su faire face à la chaleur ! Et Sasuke ! C’était lui, d’entre les trois, qui montrait le plus d’entrain, avec ses sourires, ses murmures, à manger cette glace ! Comment espérait-il le dépasser, en mangeant des glaces, en s’habituant aux plaisirs de la vie et en délaissant son entraînement ?
C’en était de trop. Alors, soudain, il se leva et alla de l’autre côté de la terrasse.
- Itachi ? demandèrent ses parents d’une même voix.
Mais Itachi ne les écoutait pas. Il imaginait le visage médusé de son père et de son frère… Il le savait, il avait une mission à remplir. Le garçon regardait la nuit qui s’avançait. La nuit, par contre, était déjà là sur le clan Uchiha. Des ténèbres qui étouffaient un clan irréversiblement décadant. Lui seul voyait cela. Il pensait à son katana, qu’il avait reçu juste avant. Voilà. Le katana. C’était l’outil qui allait lui permettre de redorer l’image du blason des Uchiha. Pour cela, il allait devoir tuer encore et encore… Peut-être tous les membres du clan. Tous ?
Non… Il y avait Sasuke. Lui seul répondait à la définition étymologique du shinobi : celui qui endure, qui souffre. Il avait toujours été mis de côté, et il ne s’était jamais plaint. Lui seul méritait de déguster un sorbet aux pommes et aux poires.