Index du Forum
ActualitésNaruto FAQ Rechercher Liste des Membres Groupes d'utilisateurs Arcade Chan IRC
Profil Se connecter pour vérifier ses messages privés Connexion Boîte à flood CarteCarte
S'enregistrer

. 2109
Aller à la page 1, 2  Suivante
 
Poster un nouveau sujet   Répondre au sujet     Index du Forum - Littérature
Voir le sujet précédent - Voir le sujet suivant  
Auteur Message
Mikazuki
Dramaturge des forums
Dramaturge des forums


Inscrit le: 17 Oct 2007
Messages: 1245

MessagePosté le: Ven 23 Jan 2009, 2:26 pm    Sujet du message: 2109 Répondre en citant

Bonjour à tous...


"2109" est un texte que je voulais faire depuis bien longtemps déjà. Saharienne m'est témoin que cela fait depuis novembre dernier que j'en parle... Mais, à vrai dire, c'est une contrainte du topic des exercices cérébraux qui a précipité la rédaction du premier chapitre : "Se représenter à l'inverse de soi-même", tel était le sujet...

Télévision, sites Internet dédiés à l'actualité nous abreuvent de mauvaises nouvelles. En effet, la bêtise humaine, que ce soit sur le nucléaire, sur l'écologie, l'économie a de quoi interpeller. Y a-t-il encore une raison de croire en l'Homme ? L'humanité vivra-t-elle encore cent ans sans rencontrer de conflit majeur ?

Dans ce texte, c'est exactement ce qui vient de se passer. Deux grandes puissances, la Chine et les Etats-Unis, viennent de s'affronter, la guerre se termine en janvier 2109. Mais à quel prix ? Celui des vies de femmes, d'enfants, d'hommes... Celui de la Nature, aussi...
Le monde pourra-t-il se relever d'un tel cataclysme ?

Attention : le premier chapitre de cet histoire peut s'avérer choquant. Il est même volontairement choquant, je pose les bases de l'histoire. C'est pourquoi je le déconseille aux plus jeunes ou sensibles d'entre vous...
_____________________________________________________________

2109


Première partie


Chapitre 1 - La Boîte



Quatre murs disposés en carré, une absence apparente de sortie et une hauteur de plafond relativement réduite… Autant d’indices qui amenaient la comparaison de cet endroit avec une boîte. Une boîte dans laquelle un jeune homme croupissait depuis des heures. Il ressentait une impression étrange. Cet endroit semblait ne pas comporter les repères spatiaux habituels, plus particulièrement, il ne semblait pas y avoir de haut ni de bas, de droite ni de gauche. De plus, il percevait de temps à autre quelques grincements, un cliquetis, comme si cette cage avait été mise en en mouvement par un tiers.

Mais il lui était impossible d’établir avec précisions des conjectures sur sa situation. En effet, ce jeune homme – dont le nom était codé par deux lettres et deux chiffres : ainsi, il était connu en ces lieux sous le pseudonyme de MK17 – se trouvait dans l’obscurité la plus profonde. Tapie comme une bête, il avait obtenu au toucher ces informations sur ce qui s’apparentait davantage à une prison qu’à un centre de soins, comme on le lui avait signifié.

Quelques mois auparavant, il avait un nom. Un nom d’être humain, comme il en existe plus de six milliards sur terre. Il vivait librement, ou presque. Dans un pays qui n’avait d’autre dénomination que ‘Etat vodkinien’, il devait comme tout le monde laisser transparaître un compteur sur sa poitrine. Les autorités, à l’origine de cette mesure, l’avaient tout simplement appelé ‘le Compteur’. Son fonctionnement était simple : à l’aide d’un petit logiciel de reconnaissance vocale, il s’incrémentait d’une unité à chaque fois que celui qui le portait déclamait « Vive le grand Vodkine », du nom du dirigeant de son pays en l’an de grâce 2109. Chaque concitoyen était ainsi contrait de déclarer son admiration – plus ou moins forcée, mais il était préférable que celle-ci soit spontanée – à l’homme qui tenait les ficelles de la société, qui faisait ce qu’il voulait de quiconque s’y trouvait. Le seuil de six cents prononciations par jour était recommandé.

Un jour, il y a longtemps, MK17 s’était trouvé face à un problème technique de la part de cet appareil pourtant décrit comme infaillible par les médias officiels. Ses piles, car MK17 supposait qu’il en comportait, étaient déchargées, le bloquant ainsi au chiffre de cinq cents soixante-deux vivas envers Vodkine. Ainsi, il découvrit le procédé par lequel les autorités retrouvaient n’importe qui n’avait pas atteint le seuil légal de compliments : il possédait un émetteur satellite, vraisemblablement relié au poste de police le plus proche. La nuit qui suivit, à minuit trente-deux minutes plus précisément, des hommes en noir et rouge se présentèrent à son domicile, avec le mandat d’arrêt pour haute trahison.

S’ensuivit logiquement un procès, mais il serait plus réaliste d’en parler comme d’une parodie, où l’accusé n’obtint pas le droit à être défendu par un avocat. De toute façon, cette profession avait été interdite par les autorités. De ce fait, le jeune homme devait se défendre lui-même, et il avait beau expliquer que le compteur était en rade au moment des faits, le colonel qui présidait le jugement s’en moquait éperdument. Il encourait un minimum de vingt années d’emprisonnement, si ce n’était la peine capitale. Toutefois, le jury eut pitié de MK17, et préféra évoquer l’hypothèse de la folie à celle du complot fomenté contre Vodkine. En effet, l’appareil étant reconnu infaillible par les scientifiques de l’Etat, le présenter comme défectueux ne pouvait être que la mise en évidence d’un problème mental. Le colonel crut à la chose, et prononça ainsi l’internement psychiatrique. « C’est tout à la gloire de Vodkine, conclut-il, c’est la preuve de son infinie bonté, car il met tous les moyens en œuvre pour faire de l’accusé un homme comme les autres. »

Toutefois, il devait en échange à sa sortie de prison trouver un travail d’utilité publique – on entendait par là balayer les rues de la capitale avec une paie largement inférieure à celle des autres concitoyens, laquelle était déjà bien faible. Mais on ne l’informa de cette clause qu’après le verdict, bien évidemment. Et s’il refusait, c’était la pendaison.

La justice selon le général Vodkine.

A son arrivée dans l’établissement, dirigé par un haut gradé de l’armée, il avait été reçu et examiné par les médecins. Là encore, il se défendait d’un petit délit dont il était irresponsable : et lorsqu’il eut plusieurs fois répété la même histoire, les médecins se regardèrent d’un air triste et dirent à voix basse : « Pauvre homme. » A cet instant, il comprit que tout espoir de libération s’était éteint. Alors il se tut.

Plus tard, après quelques semaines de soins, qui n’avaient d’autre effet que l’altération des capacités mentales – ce que l’on appelle communément un lavage de cerveau. « Nous ferons de vous l’Homme Nouveau dont la société rêve depuis bientôt cent ans » disait souvent le psychiatre lorsqu’il avait l’occasion de rencontrer ses patients. En réalité, la clinique récitait un programme spécialement conçu pour MK17, que l’on présentait comme trop calme et trop rationnel.

On lui apprenait ainsi, outre les compliments à adresser systématiquement au Parti des Travailleurs et le message contenu dans le livre de l’actuel chef d’Etat, Mon rêve, l’histoire du régime. 2090 : révolution vodkinienne. 2092 : le général Vodkine est plébiscité à 100,2%. 2093 : l’Etat Vodkinien devient première puissance économique universelle. Curieusement, il n’y avait rien sur la guerre menée depuis quatre ans déjà. Au début, MK17 riait du contenu de ce que l’on voulait lui faire retenir : le dirigeant suprême aurait donc recueilli plus de voix que d’électeurs ? Mais très vite, il comprit qu’il était préférable ne rien laisser transparaître et accepter ces anomalies de l’Histoire, dans son propre intérêt. Mieux, il finit presque par y croire lui-même, et si l’on ne parlait pas de la guerre, c’était parce que c’était un événement mineur.

Entretemps, et à cause des cours bizarres auxquels il était obligé d’assister, il en vint même à perdre son nom. Il n’était plus qu’un code alternant chiffres et lettres. Rien d’autre.

Pour autant, les examens qu’il subissait révélaient aux yeux de l’équipe médicale une faiblesse, une faille profonde. Non seulement il y avait ce quelque chose qui faisait que le programme n’était pas ancré dans son esprit, n’était pas l’image même de la vérité, mais en plus, il aimait trop. Il aimait ses parents, sa famille, se nourrissait des souvenirs qu’il avait de ces amis. C’est pourquoi on décida du passage à la méthode B.

MK17 était donc agenouillé là, cloîtré dans cet endroit privé de toute source de lumière. Depuis combien de temps était-il là, il n’en savait rien. Il avait perdu toute notion de temps depuis son entrée dans la Boîte. Néanmoins, il parvenait à se faire une vague opinion des heures écoulées puisqu’il avait eu faim, plusieurs fois. Il avait donc sauté plusieurs repas. Il n’avait rien bu. Peut-être était-ce en prévision de son séjour dans cette cage qu’on l’avait fait ingurgiter des quantités exagérées d’eau. Il était dans le noir, le noir le plus total. Il y avait aussi le silence oppressant. Un sentiment d’abord vague, mais qui se précisait, de claustrophobie. Tout ce qu’il percevait, c’étaient les grincements des courroies, et un plancher qui semblait s’incliner. Enfin, il ne savait pourquoi, mais il avait le sentiment d’être observé. On avait certainement placé des caméras infrarouges pour mieux surveiller son comportement.

Etrangement, il toucha à un instant ce qui s’apparentait à un récipient. On aurait dit un verre. MK17 essayait de tremper le doigt dans le but de déterminer si, oui ou non, ce verre était rempli. Finalement, la réponse était positive : il y avait quelque chose, un liquide, à l’intérieur. Mais quel était ce quelque chose ? Il avait approché du nez son index de manière à vérifier la présence d’une odeur quelconque : mais il ne sentait rien. Bien sûr, il aurait pu s’agir d’eau : mais un frisson le parcourut. Si, quelque part, on avait décidé de sa mort ? Le colonel qui dirigeait l’établissement n’aurait certainement eu aucun mal à inventer un accident quelconque pour justifier le décès d’un homme dont tout le monde se fichait : mais cette perspective faisait trembler MK17.

Alors, pendant un moment, il s’éloigna comme il pouvait du verre, comme s’il s’agissait d’un poison ou d’un sérum diabolique : car il en était assuré, on l’avait forcément déposé à son insu : il s’éloigna, comme si le fait de s’approcher du verre serait synonyme de disparition inéluctable, même en s’étant abstenu de le porter aux lèvres. Mais, à bien réfléchir, rien ne garantissait que le verre contienne un produit toxique. De toute façon, si un haut gradé voulait le faire mettre à mort, il n’aurait eu qu’à emplir la pièce d’un gaz inodore, de monoxyde de carbone par exemple. Simple et efficace. Respectueux du condamné en plus, qui n’aurait pas souffert.
En plus, MK17 avait soif. Il avait même tellement soif que ses mouvements étaient très limités. Il souffrait de maux d’estomac, de maux de tête : peut-être cinquante heures s’étaient écoulées depuis qu’il était dans la Boîte. Or, il savait que s’il ne faisait rien, il allait mourir de déshydratation. Bah ! Après tout, qu’est-ce qu’était la vie ? Chaque jour qui passait, c’était entre quatre murs blancs, en compagnie de médecins et d’infirmières stupides. Ne valait-il mieux pas mettre un terme à tout ça ? Et qu’importe sa famille, qu’importe ses amis, s’ils connaissaient le calvaire qu’il vivait ici, tiraillé par la faim, la soif, dans une boîte dont le volume était certainement inférieur à six mètres cube, ils le comprendraient certainement.

Il s’approcha donc du verre. Il le toucha de nouveau, l’humecta, sa consistance ne semblait pas avoir été modifiée depuis tout à l’heure. Cette fois, il prit le récipient de ses deux mains, quoique légèrement tremblantes. L’idée d’un poison était toujours présente. De toute façon, poison ou pas, il s’en moquait presque. La peur montait. Il ne voulait plus vivre tout ça, il préférait rendre l’âme dans une cage de six mètres cube que devant les psychologues à la solde du parti. Courageusement, il l’éleva, le porta à ses lèvres, puis l’inclina légèrement pour s’en abreuver.
Revenir en haut
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Mikazuki
Dramaturge des forums
Dramaturge des forums


Inscrit le: 17 Oct 2007
Messages: 1245

MessagePosté le: Ven 23 Jan 2009, 2:28 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Pour commencer, il absorba une goutte. C’était décidément impossible, il aimait encore trop la vie pour boire résolument et d’un trait un liquide qu’il soupçonnât d’être toxique, bien qu’aucune preuve ne justifiât un tel comportement. Il mouilla ses joues, sa langue, son palais puis sa gorge. Quelle sensation rafraîchissante ! D’autre part, la boisson semblait bien être de l’eau. Il n’y avait aucun arrière-goût. Alors il reprit une gorgée de la boisson, en prenant le temps d’humidifier sa bouche, puis une autre, et encore une autre, lentement, pour faire durer le plaisir, jusqu’à finir le verre d’eau.

Lorsqu’il l’eut bu, alors tout redevint comme auparavant. Il n’y avait toujours aucune source de lumière. Le volume de la Boîte n’avait pas changé, ses murs ne s’étaient pas, par un quelconque procédé, écartés. Pauvre idiot, tu croyais que la face du monde allait être modifiée parce que tu avais bu un verre d’eau ? La victoire de Vodkine sera bientôt complète…

Ses peurs anciennes revenaient. On avait tenté de les éradiquer pour en faire un nouvel homme, prêt à se jeter sous le feu d’une tranchée ennemie au nom du saint Etat, mais en ce moment même, au fil des heures qui s’écoulaient, c’était tout ce qu’on lui enseignait depuis des mois qui disparaissait, s’évanouissait dans les méandres de son cerveau embrumé.

Il avait sommeil… Terriblement sommeil. Ces dernières dizaines d’heures, il n’avait fait que s’accroupir et plonger sa tête entre ses bras. Toutefois, sans s’endormir, et ceux qui le regardaient, le surveillaient, le savaient certainement. A un moment, il voulut donc fermer les yeux, comme si à son réveil il se trouverait dans un autre univers, son pays natal par exemple, dont il se souvenait des vergers et des arbres qui les bordaient avec nostalgie. De leur odeur surtout… Jamais il n’oublierait ce parfum printanier, ces images de pétales répandues par terre, comme une neige rose : n’importe quel traitement, n’importe quelle méthode pour le priver de mémoire serait toujours vaine. C’était un doux rêve, hélas déjà vécu. Sa vraie vie était finie depuis le jour où ce maudit compteur était tombé en panne. Maintenant, c’était… C’était… Ah…

A un instant où il était proche du royaume de Morphée, la Boîte accomplit une brusque rotation verticale. Ainsi, MK17 fit une chute de près de deux mètres vers le sol. Même dans cette prison, la gravité était toujours présente. Qu’était-ce donc ? Ainsi, on voulait le maintenir éveillé, pour venir à bout de lui plus vite ? C’était ça, le plan des vils psychiatres, de ces types déments ? De nouveau, il se décontracta : et le phénomène se reproduisit, le plafond et le plancher s’inversèrent. Il mourait pourtant de fatigue, il souffrait de maux de ventre à cause de la faim qui lui tiraillait l’estomac, il avait soif, et ce n’était pas encore assez ?

Non… C’était trop ! C’était beaucoup trop ! Il réfléchit. Qu’attendait-on de lui, au juste ? Pour quelle raison l’avait-on enfermé ici ? Peut-être la seule solution était-elle de complimenter le général Vodkine. De sa gorge redevenue sèche, il murmura : « Gloire à notre chef ! Notre dirigeant bien aimé ! L’avenir c’est le socialisme ! La révolution est éternelle ! » Dès qu’il retrouva un peu de force supplémentaire, il parla à haute et intelligible voix. C’était peut-être son dernier recours en, vue d’une éventuelle libération. Il débita des dizaines, peut-être même des centaines de formules élogieuses envers le chef de l’Etat, mais rien ne se produisit. Il aurait juste espéré une simple lueur qui lui donnât l’impression d’exister. Mais aucun changement ne se manifesta. C’était toujours l’obscurité de la Boîte…

Alors il observa un temps de silence. Le jeune allait se taire et dormir, tout en donnant l’impression d’être éveillé. Mais la farce ne prit pas, de nouveau la cage se renversa. Et chuter blessait ses membres. Il devait comprendre… Il ne fallait pas qu’il s’endorme. Parce qu’on le lui avait interdit. Parce qu’un séjour dans la Boîte est inutile si le patient s’endort… C’est un moule dans lequel on façonne les détenus à l’image du parti, suivant ses volontés…

De nouveau, un verre d’eau lui parvient. Cette fois, il ne s’interrogea pas sur le contenu du récipient, et le but d’un trait… Il était de toute manière persuadé qu’on voulait le maintenir en vie. Et si l’on voulait sa mort ce ne serait pas aussi facilement que ça… Puis un autre verre, et encore un autre. MK17 perdait toute notion de temps, même les douleurs de son estomac ne lui fournissaient plus de repère précis. Cinq jours, peut-être, cinq jours sans sommeil. Néanmoins, l’eau qu’il buvait devait receler quelque substance nutritive, car il jugeait impossible de rester si longtemps sans manger. A moins que, il avait déjà entendu dire que le corps humain était plus résistant que ne le disaient des idées communément reçues.

Mais à terme, MK17 ne parvenait même plus à raisonner plus de quelques secondes. Le sommeil voulait prendre le dessus sur lui : mais il n’était pas satisfait et prenait son esprit en otage. Le jeune détenu ne s’en rendait pas compte mais des terribles cernes apparaissaient, des centimètres de peau en dessous de ses yeux bleuissaient. Désormais, il ne faisait plus attention à ce qui se passait autour de lui. Il ne parvenait même plus à compter les rations qui lui parvenaient, sa mémoire était trop faible. Il gardait toujours la même position, et ses membres ne s’activaient que pour prendre le verre d’eau à côté de lui. C’était normal qu’on le serve. Son esprit n’était plus traversé par aucune pensée que ce soit, pas même le besoin, pas même la peur, à l’exception de l’indifférence et de l’ennui.

Cependant, à l’extérieur, on pensait que le sujet était mûr. Il ne fallait plus attendre longtemps, autrement on courait à la perte, à l’échec des traitements en cours. C’est pourquoi le véritable supplice que réservait la Boîte allait commencer.

Et celui-ci ne tarda pas. Alors que MK17 était sur le point de tomber dans un sommeil profond, un bruit assourdissant, suraigu, à la limite du domaine ultrasonore, résonna soudainement dans la Boîte. D’une note unique, il ne parvint pas à faire sursauter MK17 tout de suite, et il ne fallut pas moins de quatre secondes pour le tirer de sa demie inconscience, à attribuer aux trop nombreuses nuits sans sommeil. Lorsqu’il se rendit compte de l’émission de ce son perçant, il trouva néanmoins assez de forces pour plaquer ses mains contre ses oreilles. Mais cet effort se révéla inutile, car ses tympans étaient toujours déchirés par ce grincement semblable à celui d’une monstrueuse machine sans huile, ce grincement surgi de nulle part, de manière imprévisible, et qui faisait s’hérisser ses cheveux de quiconque. MK17 souffrait atrocement, et aurait accepté n’importe quoi, même la torture physique, même les exhibitions sous les apparences les plus honteuses, pour obtenir l’arrêt de la diffusion de ce son.

La séance dura plus de deux minutes. Plus le temps s’écoulait, plus la démence des geôliers était mise en évidence. Si leur but était de transformer un garçon calme en adorateur fanatique de Vodkine, qu’attendaient-ils pour lui enseigner les principes du Socialisme Nouveau ? Leur prisonnier, semblable à un rat de laboratoire, quoique de plus grand format aurait accepté avec une certaine forme de joie le fouet.

D’ailleurs, MK17 devenait abruti par le son, et retombait dans sa passivité habituelle. Aussi, les hommes qui supervisaient ces instants de pure folie procédèrent à une modification des propriétés du grincement. Progressivement, l’amplitude de la fréquence du son augmentait, et le bruit qui en résultait devenait alternativement plus grave ou plus aigu encore, jusqu’à donner l’illusion d’une sirène d’alerte. On fixait par le biais des caméras l’expression de MK17. Les changements de fréquence s’arrêtèrent lorsque celui-ci tomba dans le piège qu’on lui avait tendu, le laissant en proie à une véritable panique. Le sadisme des psychiatres fut tel qu’ils répandirent dans la Boîte une odeur désagréable de fumée.

MK17 aurait pourtant aimé se dire que tout ceci n’était qu’une mise en scène, un colossal mensonge, qu’il ne fallait pas rentrer dans le jeu de ces malades, de ces vrais malades : mais il n’avait plus la lucidité nécessaire pour aboutir à de telles déductions. En ce moment même, il croyait lutter contre la mort la plus horrible qui soit, et se transformait en un animal féroce, qu’on eut qualifié d’enragé à cause de la salive qui se répandait au coin de ses lèvres et sur son visage. Il devenait un être excessivement violent, obsédé par un désir répugnant de souffrance, de sang, de meurtre. Plongé dans un état second, il envoyait des coups de pied et de poing à tout va, il ne se rendait même pas compte qu’il le blessait lui-même. L’obscurité constante et le manque d’espace étaient responsables de ces multiples contusions. Il voulait forcer des murs, et ceux-ci avaient finalement raison de lui. Il se débattait avec une énergie qu’il ne possédait pas, épuisée, mais non renouvelée par l’absence de repas. Il n’y avait que la frayeur qui était susceptible de mettre ses membres en mouvement et de décupler ses forces, comme c’était le cas en ce moment même.

Cependant, un coup de sifflet strident, au-dessus de la clameur qui enveloppait MK17, mit brusquement un terme à ce déchaînement le plus total. Comme prisonnier d’un enchantement, il s’arrêta de frapper et demeura un instant immobile, le regard fixe. A cet instant, la pièce redevint silencieuse, et l’odeur d’incendie se dissipa. Toutefois, MK17 percevait encore un bourdonnement continu, mais celui-ci n’était rien d’autre qu’une erreur auditive, dommage peut-être irréversible causé par les minutes qui avaient précédé.

Mais ce calme fut encore une fois troublé. Il ne s’agissait pas d’un bruit insupportable et douloureux, mais d’une sorte de bégaiement sous-humain. Il ne fallait pas chercher une quelconque signification à ce discours monosyllabique, véritable abdication intellectuelle, ponctué de « Pip ! Honk ! Reuh ! ». Un animal aurait fait mieux. Peut-être voulait-on faire lâcher ses nerfs ? Mais ce retour à une époque ridiculement primitive ne dura pas. Une voix masculine, qui était toutefois associée dans l’esprit du prisonnier à un croassement d’amphibien, s’éleva par-dessus le vacarme, et débutait une harangue à MK17. Celui-ci ne s’aperçut pas tout de suite qu’on s’adressait à lui, mais lorsqu’il parvint à cette conclusion, il écouta attentivement les dires du crapaud.

En fait, MK17 restait perturbé par le grincement. Cette épreuve avait été si terrible qu’il n’était qu’à moitié concentré sur l’instant présent. Il sentait par ailleurs sa peau humide et moite. On avait paré à cette éventualité, et la voix s’appuyait sur cette faiblesse psychique pour enseigner une valeur supplémentaire de l’idéologie de l’Etat. Celle-ci était une des plus perverses qui soient, et les méthodes employées étaient en tous points dignes d’elle.

« … Tu n’es qu’un misérable moucheron victime d’une peine que tu ne méritais pas… » disait la voix. A ces mots, un souvenir fit soudainement surface dans la mémoire déjà lointaine du jeune homme. Il se souvenait de l’affaire du Compteur, de l’injustice qu’il avait subie. Son cœur s’emballa. Enfin, allait-on l’écouter ? Etait-ce possible ? Animé par un espoir fou, il prêta toute l’attention qu’il put aux dires de la voix du crapaud, qu’il pensait être celle d’un sauveur.
Revenir en haut
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Mikazuki
Dramaturge des forums
Dramaturge des forums


Inscrit le: 17 Oct 2007
Messages: 1245

MessagePosté le: Ven 23 Jan 2009, 2:31 pm    Sujet du message: Répondre en citant

« … Sais-tu la vérité de cette affaire ? Connais-tu le fin mot de l’histoire ? Ha ! Ha ! Ha ! Personnellement, j’ai fini par faire toute la lumière sur ce qui s’était passé il y a quelques mois. Mais vois comme tu es arrangé ! Tu t’es mis dans tous tes états pour ce qui n’était qu’une farce, oui, une farce de mauvais goût ! Que ton apparence est pitoyable ! Sueur, odeur, cernes, barbe naissante… Ah ! C’est répugnant ! Cette fois, tu donnes vraiment l’illusion d’être fou. Je n’ai même pas envie de te dire ce secret. L’Etat t’a exclu de son système, tu n’es plus qu’un futur balayeur, employé communal d’une ville dont tu ignores le nom… Il faut d’ailleurs que tu quittes l’établissement, ce qui n’est pas gagné… »

L’intérêt que présentait MK17 au discours était très grand. Ainsi, pensait-il, il était victime d’un coup monté, d’une machination perfide ? Qui en était l’instigateur ? Il voulait des noms, connaître la vérité, et ne cacha pas son désir ardent de justice. L’homme qui s’exprimait ne se trompait pas sur un point : son apparence était misérable. Mais cela lui importait peu. Il répétait : « Dites-moi la vérité ! S’il vous plaît, s’il vous plaît ! Je veux savoir !

- Ah, tu as envie de savoir, hein ? répondit la voix avec une pointe de mépris et de dédain. Méfie-toi… En as-tu réellement envie ? Es-tu prêt à tout accepter ?

- Oui, je suis prêt ! cria MK17. J’ai trop souffert ! Je suis enfermé ici pour un délit que je n’ai pas commis ! Tout le monde me considère comme un attardé mental, pourtant je sais bien que je ne suis pas fou ! »

Un silence suivit ces paroles. Un instant, il crut qu’on ne lui dirait rien. Alors il exprima de nouveau sa requête. Un petit rire résonna dans la cellule privée de toute lumière. L’homme reprit :

« Très bien. Puisque tu y tiens vraiment, et que tu ne seras de toute façon jamais qu’un misérable prolétaire, je vais satisfaire ta demande. Oui, mon garçon… Tu as été trahi. Mais la police Vodkinienne, alors qu’elle enquêtait sur une affaire mineure, a mis en grand jour des témoignages, des vidéos et documents compromettants, par la suite, nous avons conclu à ton innocence. Ne crains rien ! L’Etat, le général Vodkine, punira, châtiera les coupables. Mais si, et seulement si tu fais preuve d’une véritable fidélité envers l’Eternel Régime. Je vais te montrer ça. »

MK17 attendit alors. Il était terriblement fatigué, n’aspirait qu’à un long et doux sommeil, mais rien ne pourrait le détacher de l’attention qu’il portait à ces actuelles révélations. Ses mains tremblaient même, et son cœur frappait douloureusement sa poitrine. Enfin, il allait savoir, il serait libé…
Soudain, l’obscurité qui régnait depuis presque une semaine dans la pièce fut brisée. Il se rendit enfin compte que les quatre murs, le plancher et le plafond, étaient en réalité des écrans, et ceux-ci projetaient les visages de ses bourreaux. Cet accès subit de lumière provoqua un violent mal de tête. MK17 ferma instantanément les yeux, par réflexe, dans le but d’atténuer cette douloureuse migraine. Néanmoins, pressé de connaître la vérité, il reprit ses esprits assez rapidement, et découvrit alors un nombre de visages égal au nombre de murs que comptait la pièce.

Mais… Il les connaissait ?

Oui… Il les connaissait très bien ! Hébété, incapable de prononcer le moindre mot tant la surprise était grande, il regardait successivement les six portraits, qui n’étaient autre que ceux de ses amis et de ses parents. Impossible ! Il n’y croyait pas. A coup sûr, tout ceci n’était qu’une manœuvre de plus de ces criminels pour le pousser à l’amour forcé de Vodkine. Mais en y regardant de plus près, il saisissait quelque chose d’effrayant dans ces têtes. Le sourire de l’un, qu’il croyait être un gage éternel de fidélité, n’était finalement autre qu’une marque évidente de félonie. Et les yeux de l’autre, ces yeux marron, ce regard, beau en apparence, masquait sans succès un caractère narquois. Il trouva ainsi un troisième tout bonnement méchant, descendit un quatrième plus bas que terre, et il en fit de même pour les deux derniers. C’était fait. Vodkine avait gagné. L’accusation était si perfide qu’un enfant aurait pu prouver le mensonge évident, la calomnie dont usait le régime, cependant les idées d’une famille criblée de dettes qui n’hésitait pas à vendre leur fils à l’Etat en échange de quelque pension, d’amis ourdissant un complot et qui voulaient se débarrasser d’un éventuel gêneur, étaient tout juste assez plausibles pour faire tomber un homme instable dans la folie la plus profonde, et en même temps pour le faire passer dans le camp de ceux qui se présentaient comme des justiciers.

Et de nouveau, MK17 perdit le contrôle de lui-même, pour de bon cette fois. Dans un premier temps, il resta assez calme, et se regarda, s’examina. Il sentait sa peau humide alors qu’il se trouvait privé de toute source lumineuse : ses sens ne l’avaient pas trahi, eux. En effet, les mains, les bras de MK17 étaient tous ensanglantés. Sa peau était couverte de plaies et d’hématomes à des intervalles réguliers. Sans qu’il ne comprenne pourquoi, l’envie de massacre peut-être, le désir lui vint de frotter chaque partie de son corps et de recueillir le sang qui se trouvait à sa surface. Mais ce n’était pas tout… Une nouvelle peur s’empara de lui.

Comme si sa fin était imminente, et que les traîtres avaient quoiqu’on en dise eu raison du jeune homme, il sombra dans l’instinct primitif et sauvage que tout homme renfermait au plus profond de son âme, et, les traits tirés, répandit le liquide rouge foncé sur chaque partie de son visage. La scène était terrible, affreuse et repoussante. C’est alors que MK17, imprévisiblement, cria, hurla sa colère d’avoir été mis à l’écart et dénoncé. Il entra dans une rage terrible, il voulait tout simplement détruire, démonter tout ce qui se trouvait autour de lui, infliger les plaies les plus profondes, les gnons les plus profonds, à ces êtres perfides dont on exhibait les visages devant lui, et dont l’expression n’affichait pas la moindre honte. Mais à vrai dire, il n’y faisait plus vraiment attention. Il n’était plus qu’un animal féroce, envahi et motivé par une hideuse extase, une soif de meurtre, il n’y avait que cela qui comptait. Il donnait les coups les plus terribles qu’il aurait pu donner, sa force était telle qu’il parvint à fissurer un des écrans. Il voulait voir survenir un cataclysme, maintenant. Il demandait la venue de l’Apocalypse, il se fichait de mourir lui aussi, pourvu qu’il ait laissé éclater sa rage.

Rapidement, sa haine tourna au délire. Convaincu par les accusations de l’homme à la voix de crapaud, il divaguait, avait des visions. Après le visage emprunt de méchanceté, il croyait voir des bêtes affreuses et fabuleuses, possédant sept têtes et dix diadèmes, des dragons et tant d’autres absurdités encore. Il voyait en les visages qu’il distinguait mais qu’il ne reconnaissait plus l’incarnation du mal, et au milieu de ses hurlements constants, se croyait en train de combattre contre le Diable. Qui, de la sonnerie stridente de tout à l’heure, ou de MK17 occasionnait le plus de bruit ? La question était posée et les paris ouverts. Il jurait, distribuait d’innombrables coups de poing. En même temps, la peau de son visage devenait d’une curieuse couleur rouge qui n’était pas due à l’hémoglobine, mais à sa fureur. Il transpirait de toutes parts, et soufflait comme un bœuf.

Le spectacle était des plus choquants, et avait quelque part un aspect tragique. Le jeune homme qu’il avait été, toujours calme, gentil, prompt à la concession, s’opposait diamétralement au monstre qui avait pris le dessus sur lui et déchaînait une violence inouïe autour de lui. En temps normal, aurait-il été capable de lever la main sur un ami ? Mais, manipulé par les traitements des psychiatres, il était capable de tout. Un simple pantin dont on faisait ce qu’on voulait. Il se débattait, tuait symboliquement, des personnes qui avaient tant fait pour lui, des parents qui l’avaient aimé et qu’il avait aimés en retour, des amis toujours prêts à satisfaire ses petites envies. Quel déshonneur ! Et dans quelques temps, on les ferait également passer derrière un barreau, eux aussi. Bien qu’étant innocents, on les accuserait de complot contre l’Etat et de maltraitance, les preuves et témoignages étant fournis par leur fils ou ami. Le verdict les condamnerait à mort, et le fils exprimerait sa satisfaction envers les juges. Il y avait de toute manière, chaque jour et des dizaines de fois par jour, des affaires semblables. La sienne n’aurait rien de choquant dans l’esprit de la population, on assistait à la destruction de la cellule familiale, à la banalité du mensonge et de la mort.

Tous, en fin de compte, étaient des victimes. Les proches de MK17 étaient des pièces devant être nécessairement abattues, ils étaient le prix à payer pour façonner un homme dévoué corps et âme au général Vodkine, et lui n’était qu’un homme à qui il était arrivé une peccadille au mauvais moment.

Le vacarme dura encore quelques instants. On se demandait comment MK17 pouvait tenir aussi longtemps alors qu’il n’avait rien mangé depuis presque une semaine, et bu très peu d’eau. Le corps humain était effectivement plus résistant qu’on ne le croyait. Mais à un moment, il atteint l’extrême limite de ses forces. Il s’arrêta de frapper, il ne produisait plus que des petites flexions musculaires, ce qui tranchait nettement avec les coups amples qu’il donnait. Il se tint, immobile, voulait encore infliger des blessures – il voulait éternellement en infliger. Mais c’était fini, il ne pouvait plus. Alors, quelques secondes plus tard, il sentit son cœur manquer un battement, se rattraper un instant plus tard, avant d’en louper deux autres. Mais ces deux coups manqués étaient les coups de trop, le malaise cardiaque allait l’emporter. Ses respirations, tout d’un coup, devinrent brèves, faibles et rapprochées. Une seconde plus tard, il leva la tête au plafond, posa sa main sur sa poitrine, se sentant défaillir, et leva l’autre à ce semblant de ciel. Dans un effort intellectuel surprenant, il reconnut sa mère dans le portrait projeté au dessus de lui. Pendant un instant, un très court instant, il se souvint du doux toucher de ses lèvres sur son front. Qu’il aurait eu besoin de ses baisers ! Un sentiment d’amour incommensurable l’envahit, comme si elle et seulement elle était dans la capacité de le tirer de là, allait le tirer de là. Mais la seconde d’après, son visage était redevenu un symbole de la pire traîtrise, autant que tous les autres. MK17 s’effondra à terre. Sa silhouette se courba, et sa tête se pencha sur le côté. Ses yeux révulsés et entrouverts devinrent vitreux et ses lèvres s’écartèrent légèrement.

Les lumières et les écrans s’éteignirent alors, replongeant la Boîte dans les ténèbres.
_____________________________________________________________

C'était un long texte - je n'ai jamais fait de chapitre aussi long.
Il m'a demandé énormément de travail, c'est pourquoi je vous prie bien humblement de laisser des commentaires sur ce texte.
Merci d'avance... Wink
Revenir en haut
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Sei
Chuunin


Inscrit le: 19 Nov 2008
Messages: 680

MessagePosté le: Ven 23 Jan 2009, 4:52 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Bon, je vais faire simple et court.
La SF ne m'interesse pas en général, mais ton texte ne manque de rien en général, c'est assez rythmé, et bien cohérent.
Ce qui manque?
Mon approbation! Very Happy
Plus sincèrement, j'aime le "sombre" de ton texte, ces descriptions du perso, du monde dans lequel il vit.
Ca se lit tout seul, et c'est très bien comme ça.
Dommage pour moi que ce soit de la SF.
En tout cas, bien joué.

PS: En plus sans faute... Razz
Revenir en haut
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé Carte
Saharienne
Sennin


Inscrit le: 03 Nov 2006
Messages: 2189
Localisation: comme vous y allez vite :3

MessagePosté le: Ven 23 Jan 2009, 7:55 pm    Sujet du message: Répondre en citant

L'histoire longue se suit bien, c'est le réel point fort de cette histoire.
MK17 ça sonne super je le remarque juste.
Jolie idée. Encore faible pour dire vraiment effrayant.
Mais bel enchainement des astuces d'asservissement. Un peu trop dense peut être. Ca perd en réalisme. Dans ce genre de texte le réalisme est bien souvent encore plus effrayant...
Niveau nom Vodkine fait un peu trop russe par contre...

Très bon texte, j'attend une histoire plus ... consistante, sans doute à venir après le plantage de l'ambiance.

Jsrais ravie de voir la suite, c'est un vrai projet qui se tient et que tu mène très bien.
De toute jsrais incapable d'écrire aussi longtemps...
Donc j'espère que tu n'abandonneras pas ^^
Revenir en haut
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé MSN Messenger
Mikazuki
Dramaturge des forums
Dramaturge des forums


Inscrit le: 17 Oct 2007
Messages: 1245

MessagePosté le: Ven 23 Jan 2009, 8:18 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Merci à vous deux ! Very Happy
Non, Seirokyu, j'ai relevé quelques inattentions, pas forcément des fautes d'orthographe mais surtout des erreurs de frappe. Il manque de temps à autre une lettre dans un mot, bien sûr on devine duquel il s'agit mais bon... Preuve qu'il y a des imperfections. Ainsi que des expressions un peu trop molles ou mal formulées...

Quant à toi, Saharienne, je me réjouis que tu comme Seirokyu aimé le texte que j'ai présenté. Very Happy Oui, le pseudonyme de MK17 me plaisait bien, il y a un air à la fois impersonnel et futuriste, c'est tout à fait ce que je voulais en faire...
Pour le nom du général Vodkine : c'est volontairement parodié sur Staline et sur la vodka. Pas étonnant que tu trouves une connotation russe dans ce nom. Mais là encore, je veux t'amener à une forme de réflexion. Staline, c'est quoi ? La dictature de type communiste, et incidemment, la moitié Est du globe. Par conséquent, la première partie se déroule en Chine ! C'était juste une précision au cas où vous n'auriez pas compris.
Et puis bon, au cas où vous voudriez savoir, ce n'est peut-être pas excellent de le dire mais ce Vodkine est un pseudonyme. Tout comme Staline qui s'appellait Djougachvili.

Encore une fois donc : merci ! Very Happy
Revenir en haut
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Chakal D. Bibi
~ Chakal Touffu ~


Inscrit le: 02 Nov 2004
Messages: 1937
Localisation: La Tanière du Chakal

MessagePosté le: Sam 24 Jan 2009, 1:19 am    Sujet du message: Répondre en citant

J'viens d'finir de lire ce premier chapitre.

C'est franchement sympa. J'suis pas un grand fan de SF mais là ça va car on a pas des robots machins trucs, ça reste dans l'ordre du très plausible dans pas longtemps ^^
C'est assez bien construit, pas mal rythmé, la lecture s'enchaine bien et les paragraphes ont juste ce qu'il faut de longueur.

Après, je trouve que ça pêche un peu au niveau de l'originalité, dénoncé un système en le propulsant dans une vision future c'est du vu et revu mais là on s'en fout parce que ça reste bon ^^

J'attends le deuxième chapitre, pas avec impatience, mais ça m'botterais bien d'voir où tu vas nous emmener Wink

_________________
[quote="Speed Hunter"]Chakal lui c'est un héros de musicien ![/quote]
Revenir en haut
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé Envoyer l'e-mail
Sei
Chuunin


Inscrit le: 19 Nov 2008
Messages: 680

MessagePosté le: Sam 24 Jan 2009, 12:10 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Enfin je n'ai pas tout compté comme fautes...
Mais dans le style tu fais bien mieux que beaucoup d'autres membres du fofo...
Et puis dans un texte ordinateur, j'évite de pénaliser les fautes d'inattention.
Si tu as édité ton texte, alors je n'ai pas vu toutes tes "molles expressions".
En tout cas ça ne m'a pas sauté aux yeux.

Darth ton avatar est bien mieux en Morrisson!
Revenir en haut
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé Carte
noorvensen
Aspirant genin


Inscrit le: 07 Avr 2007
Messages: 204

MessagePosté le: Sam 24 Jan 2009, 2:14 pm    Sujet du message: Répondre en citant

C'est un bon début. C'est bien décrit et détaillé. Evidemment, c'est un sujet qui a beaucoup été exploité, mais bon....
L'ambiance est pas mal du tout, ca m'a fait penser à un mélange de Haze (film d'horreur japonais) et Cube. Le fil psychologique se suit bien et on trouve tout à fait logique que le personnage mette complètement en doute ses proches.
Par contre, certaines phrases auraient peut-être pu être mieux tournées, certains mots ne collent pas toujours parfaitement (par exemple, à un moment, tu utilise le mot "gnon", j'ai trouvé que ca collait pas trop avec la phrase), mais à travers autant de chose écrites, ça serait un travail de titan que de refaire les phrases l'une après l'autre (en tout cas, moi j'ai eu la flemme de mon côté).
Sinon c'est vrai que ce n'est pas très effrayant, après c'est peut-être une question d'habitude, mais la tension est davantage psychologique que physique, et c'est quand-même très difficile de transmettre ce sentiment, mais tu y arrives bien, donc voila, pour le moment c'est un bon début je trouve...

_________________
Juger c'est interpréter, mais interpréter n'est pas comprendre. Aussi vaudrait-il mieux commencer par ne pas juger si l'on veut commencer à comprendre...
Spoil:
Revenir en haut
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé Carte
Mikazuki
Dramaturge des forums
Dramaturge des forums


Inscrit le: 17 Oct 2007
Messages: 1245

MessagePosté le: Sam 24 Jan 2009, 8:35 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Merci à vous, Darth et Noorvensen !
Non, rassurez-vous, ma fic' est certes une uchronie, mais ne vous attendez pas à avoir des robots et tout, je sais bien que les écrits du genre en sont saturés. Vous me direz, ça non plus ce n'est pas bien original, j'en suis conscient et je n'ai jamais cherché à faire croire l'inverse. La seule chose qui compte est que vous aimiez, voilà tout Very Happy
Je ne sais pas quand je vais me mettre au chapitre Est 2, peut-être pas ces jours-ci car j'ai eu ma dose d'écriture pour le moment... Very Happy
Revenir en haut
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
noorvensen
Aspirant genin


Inscrit le: 07 Avr 2007
Messages: 204

MessagePosté le: Sam 24 Jan 2009, 9:21 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Oui, il est difficile d'éviter de parler de choses déjà exploitées, mais l'important est d'essayer de faire passer son message à sa manière.
On attend la suite Wink

_________________
Juger c'est interpréter, mais interpréter n'est pas comprendre. Aussi vaudrait-il mieux commencer par ne pas juger si l'on veut commencer à comprendre...
Spoil:
Revenir en haut
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé Carte
Enpluslili
Aspirant genin


Inscrit le: 26 Juil 2008
Messages: 273

MessagePosté le: Sam 24 Jan 2009, 9:25 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Depuis hier soir,je me demande quoi ecrire! J'ai reflechi,pensé,retourné Et je dis EFFRAYANT!!
On est pas,dans la scfi robots,vaisseaux.
On est dans................la vie.
Combien de fois,peut-on se sentir,si proche,voir dedans!!!!!D'une fic?

Une fiction,peut etre,mais comment ne pas faire de comparaisons?
Les sentiments eprouvés,sont d'une realité deconcertante.
Qui sait?
Que lorsque tu finis,sur un lit attaché!
Que si ton nez se met a te gratter,tu deviens fou!!!
Qui sait?
Que toujours attaché,criant"ça y'est c'est bon,j'suis calmé",le temps se stop, tu attends!
1heures ou 2 minutes t'en sait rien,mais tu subis!!

je ne sais pas si tu sais,mais tu l'expliques de facons admirable
moi perso,qu'une fic me fasse,a ce point,fremir!!
je dis bravo!!
Revenir en haut
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé Carte
Mikazuki
Dramaturge des forums
Dramaturge des forums


Inscrit le: 17 Oct 2007
Messages: 1245

MessagePosté le: Lun 26 Jan 2009, 1:06 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Encore une fois : merci à vous Very Happy

Je suis ravi que ce texte t'ait plu comme ça, Enpluslili, quand on lit ton message on voit que cela t'a vraiment marqué ! Non, sincèrement, je n'avais pas envie de mettre des robots et tout dans le texte... Certes, cent ans s'écoulent par rapport à aujourd'hui, il va donc y avoir quelques évolutions techniques, mais je ne suis pas très partant pour les voitures volantes et compagnie, c'est vraiment trop banal je trouve.
En tout cas, je suis content que ce texte t'ait marqué, Enpluslili. Merci à toi ! Very Happy
Revenir en haut
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Sasori75
Genin


Inscrit le: 14 Jan 2008
Messages: 420

MessagePosté le: Lun 26 Jan 2009, 10:43 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Vodkine, ça m'a tout de suite plus comme nom, et comme confirmation, tu dis t'être inspiré de la Vodka ^^...
Sinon, ça m'a bien plus, bien écrit, on se laisse facilement prendre par l'histoire...
Par contre, j'ai pas trouvé ça spécialement choquant, peut être parce que j'suis habitué à pire, ou que j'ai un esprit tordu^^...
Revenir en haut
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Chakal D. Bibi
~ Chakal Touffu ~


Inscrit le: 02 Nov 2004
Messages: 1937
Localisation: La Tanière du Chakal

MessagePosté le: Lun 26 Jan 2009, 10:53 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Ah oui, exacte, j'avais oublié de demander où était les passages chauds xD xD S'pas pour faire le mariole hein, mais j'avoue que je m'attendais à lire un Mika un peu plus trash mais j'ai rien vu ^^

_________________
[quote="Speed Hunter"]Chakal lui c'est un héros de musicien ![/quote]
Revenir en haut
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé Envoyer l'e-mail
Mikazuki
Dramaturge des forums
Dramaturge des forums


Inscrit le: 17 Oct 2007
Messages: 1245

MessagePosté le: Mar 27 Jan 2009, 4:39 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Peut-être parce que ce n'était pas très décrit ? Avec le recul, c'est vrai que le semblant d'avertissement en début de sujet peut sembler... légèrement ridicule. Ce n'est pas spécialement choquant, ou du moins, ça l'est moins que ce que j'avais désiré.
C'est un fait : une image choque plus qu'un texte. Avec un texte, on doit faire l'effort de se représenter la scène : en revanche, avec une image, on l'a tout de suite. Essayons de faire une description de Chantal Sébire par exemple. Pauvre femme, elle est décédée maintenant, mais une description par le texte provoque moins de réaction qu'une photo' dont on s'éloigne tout de suite...
Pourtant, ce n'est pas mon habitude de montrer des personnages violents se transformant petit à petit en bête féroce et enragée, à tel point qu'il en vient à répandre volontairement du sang sur son visage, que de la bave coule de ses lèvres... Mais bon. Au passage, j'en oublie presque de remercier Sasori75 de son intervention Very Happy
Revenir en haut
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Tsoing
Aspirant genin


Inscrit le: 08 Fév 2008
Messages: 204
Localisation: Entre le ciel et la mer

MessagePosté le: Jeu 19 Fév 2009, 10:52 pm    Sujet du message: Répondre en citant

En retard. Excuse-moi.

Le sujet est loin d'être parmi mes préférés. J'avais lu "1984" qui traite le même thème et je n'ai pas pu m'empêcher de voir les similitudes qu'il existe entre les deux. C'est donc le premier reproche que j'adresse à ton texte : tu aurais pu faire beaucoup plus innovant. Le coup des bracelets par exemple ou de la justice truquée ou encore l'obligation d'encenser le chef. Wink

Ensuite, la souffrance du personnage, sa perte de repères, la folie n'est parfois pas assez accentuée vers la fin (uniquement là). Enfin là c'est juste mon avis. J'aurais aimé sombrer avec le personnage, or là on le voit presque que par l'oeil des caméras j'ai l'impression. Comment dire, il n'y a pas de crescendo dans la douleur. Le moment où il "craque" à cause de la douleur physique et de la fatigue est relaté sur le même ton que le moment où il "craque" à cause de la douleur psychologique.

Pour les détails (^^): "Vodkine" hum ... je n'aime pas trop, j'sais pas critique trop explicite de l'URSS de Staline. Et hum ... peut-être rajouter les besoins (fèces etc.) juste histoire d'ajouter une touche d'horreur à l'enfermement.

Bref je critique, je critique alors que j'ai bien aimé le texte aussi. Dois-je te redire que ton écriture est toujours aussi agréable ? Very Happy
Cette idée de boîte je l'ai bien aimée. Effrayante. Au premier abord elle semble être juste une cellule psychiatrique mais non, tu arrives à lui donner une tout autre dimension. Chapeau !
Mis à part sur la fin on ressent bien l'horreur et la détresse de MK17. Ah oui! et l'idée de numéroter le personnage, lui retirer son nom, c'est une chouette idée.
Dans l'ensemble, pour un sujet que je n'aime pas, ben tu m'as fait apprécier le tien. Smile
Revenir en haut
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Mikazuki
Dramaturge des forums
Dramaturge des forums


Inscrit le: 17 Oct 2007
Messages: 1245

MessagePosté le: Ven 20 Fév 2009, 5:43 pm    Sujet du message: Répondre en citant

Je vois ce que tu voulais dire en parlant de besoins... Il est vrai que j'y avais pensé, et j'avais un peu hésité à en parler. Devais-je le faire ? Devais-je ne pas le faire ? Finalement je ne l'ai pas fait. Je te l'accorde, effectivement, ça aurait ajouté une touche d'horreur et de saleté supplémentaire...

Citation:
Ensuite, la souffrance du personnage, sa perte de repères, la folie n'est parfois pas assez accentuée vers la fin (uniquement là). Enfin là c'est juste mon avis. J'aurais aimé sombrer avec le personnage, or là on le voit presque que par l'oeil des caméras j'ai l'impression. Comment dire, il n'y a pas de crescendo dans la douleur. Le moment où il "craque" à cause de la douleur physique et de la fatigue est relaté sur le même ton que le moment où il "craque" à cause de la douleur psychologique.


Cette remarque est tout à fait justifiée.
Je n'avais pas pensé à cela, effectivement. En fait, je suis un peu embêtant vis-à-vis de moi-même, parce que j'ai tendance à ne pas prendre assez de recul sur moi-même, et aussi (et surtout) à vouloir publier le texte tout de suite. De même, aujourd'hui je pense, en faisant le chapitre Est-2, qu'il y a certains éléments que j'aurais pu évoquer dès le début. D'un point de vue scénaristique, je me suis légèrement sabordé par la faute de mon impatience.

J'ai effectivement lu le "1984" d'Orwell. Toutefois, après avoir eu l'idée de "2109", et je maintiens, cette fic' ci est entièrement issue de mon imagination.
Certes, il y a des éléments que j'aimerais développer et qui sont en commun avec Orwell. J'aimerais, par exemple, beaucoup développer l'organisation sociale de cette Chine du futur et dont j'espère qu'elle ne sera jamais ainsi, un peu à la manière du "livre" de Goldstein. C'est également dommage car j'aurais bien aimé lancer un "la pauvreté c'est la richesse", mais c'est un peu trop calqué sur Orwell, dont j'essaie de m'éloigner au maximum pour obtenir un truc bien à moi, que j'espère, au final, faire se différencier des autres romans développant déjà le sujet de l'Etat totalitaire.
Revenir en haut
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Mikazuki
Dramaturge des forums
Dramaturge des forums


Inscrit le: 17 Oct 2007
Messages: 1245

MessagePosté le: Lun 06 Avr 2009, 9:04 am    Sujet du message: Répondre en citant

Je l'avais perdu mais je l'ai retrouvé ! Smile
Bonne lecture à tous.

Chapitre 2 - Chambre 212


Combien de temps avait-il dormi, il ne le savait pas.

Il avait émergé sans s’en rendre compte d’un long et profond sommeil. Le jeune homme ne reprenait que graduellement conscience du monde qui l’entourait, regardait ces murs d’un blanc éclatant, ce lit de métal et même son propre corps comme des objets étrangers.

Pourquoi se trouvait-il ici, il ne le savait pas.

Sa mémoire s’était complètement volatilisée depuis son séjour dans la Boîte, qu’il avait comme le reste oublié. Il ne savait plus rien de lui-même, pas même son pseudonyme de MK17 qu’on avait du à nouveau lui enseigner.

Jusque quand allait-il rester là, il ne le savait pas.

Il n’avait pas prononcé le moindre mot depuis son réveil. On soupçonnait, avec un mécontentement visible, un choc émotionnel trop important. MK17 regardait passivement sa vie, le temps s’écouler. Il était auparavant l’acteur de son existence, désormais il n’en était plus que le spectateur. Durant le temps libre qu’on lui accordait, il ne faisait que fixer le même point du mur de l’autre côté de la chambre, avec la même et discrète expression d’attente inquiète, comme s’il craignait une apparition fantastique de quelqu’un, comme si la venue de ce quelqu’un lui aurait été fatale. Dans ses mouvements, il ne se limitait plus qu’à quelques fonctions essentielles : ingérer, respirer, excréter.

Il ne percevait pas l’ennui mortel qu’aurait éprouvé n’importe qui à sa place. Et pour cause, il était si désintéressé de lui-même qu’il ne lui arrivait même plus de penser. Cependant, on s’acharnait à le ramener intellectuellement à la vie, en le présentant régulièrement à un des psychiatres de l’établissement. Pendant une demi-heure, tous les jours et en moyenne trois fois par jour, on voulait qu’il se rende compte de la présence d’un homme en blouse blanche, entre deux électrochocs, devant lui, et qui approchait ou reculait sa main, toujours sur les mêmes paroles, dites dans le même registre monocorde et dépourvu d’expression : « La voyez-vous ? »

Son état misérable ne perdura heureusement qu’une dizaine de jours environ. Il ne parlait toujours pas, ou, du moins, essayait de parle, mais quelques fragments de mémoire, de lointains souvenirs lui remontaient. Ceux-ci donnaient naissance à une mosaïque d’images sans rapport. En fait, il manquait les pièces centrales de l’ensemble : un entourage inconnu, et un nom, son nom qu’il ignorait. L’absence de ce dernier prenait une dimension traumatisante qu’il ignorait auparavant. Il était MK17, il avait toujours été MK17, il sera toujours MK17, c’était ce qu’il lui disait. Mais il savait bien que ces deux lettres et ces deux chiffres n’étaient pas son appellation d’origine. Autour de lui, il croisait des Cheng, des Li, des Wang… Il n’y avait personne qui lui était semblable.

Au cours d’un des rendez-vous qu’on lui imposait, le médecin fut tout à fait surpris de l’entendre prononcer des mots enchaînés logiquement, avec une articulation bien nette, à haute et intelligible voix. Il venait de formuler oralement une phrase, une question pour la première fois depuis un mois. Le décor était habituel. C’était une pièce grande mais mal éclairée. Une imposante bibliothèque, dont les rayons étaient occupés par de volumineux ouvrages, des traités signés des plus éminents psychologues aux plans sociaux et économiques de Vodkine en passant par des essais plus ou moins philosophiques, meublait la salle. Le bureau du médecin se trouvait près de la fenêtre. Ses rideaux empêchaient la lumière de passer. Quant à l’homme et son patient, ils se trouvaient dans le coin le plus sombre du cabinet, tous deux assis, l’un en face de l’autre. On notait par ailleurs la présence d’instruments métalliques et de lampes puissantes dont l’usage ne s’inscrivait pas particulièrement dans les seules consultations pour commotions cérébrales.

« Quel est mon véritable nom ? » demanda un matin brumeux de février le garçon. L’homme en blouse blanche demeura interdit. Il jugeait inconcevable que ce patient s’exprime ainsi, retourne une autre question à son « La voyez-vous ? » habituel, alors qu’il le traitait comme le dernier des débiles, la définition même du rebut de la société. Il réajusta ses fines lunettes sur son nez, et dut donner un élément de réponse à celui qui le regardait fixement, convaincu que son interlocuteur connaissait la vérité sur ses origines.

« Ton nom ? MK17, voyons, improvisa-t-il. Tu es entré ici avec le nom de MK17. Tu es, et tu resteras connu sous ce nom. Alors qu’attends-tu de moi ?
- Vous savez bien que ce n’est pas ma véritable identité, poursuivit le détenu qui cherchait tout de même ses mots. Ce n’est pas un prénom, ni un nom de famille. Je vous repose ma question : quel est mon nom, mon vrai nom ? Monsieur Lao ? »

Encore une fois, le médecin ne réussit pas à cacher sa surprise. Il devait revoir ses opinions et ses traitements. Il n’était apparemment plus l’imbécile qu’il croyait être. Quelque part, si, il était un imbécile dépourvu de tout savoir, un illettré de l’idéologie socialiste. Il faudrait bientôt tout lui apprendre, partir de zéro. Mais il fallait dans l’immédiat abréger cet entretien.

« On va s’arrêter là, annonça-t-il. Je vais appeler quelqu’un, tu vas retourner dans ta chambre. La chambre 212, il me semble… » dit l’homme en empoignant le téléphone sans fil qu’il avait gardé près de lui.

MK17 fut donc contraint à quitter l’endroit quelques instants plus tard, sans la réponse à sa question, entouré d’infirmières à l’apparence disgracieuse. Avant de s’en aller, il avait pourtant, d’un regard, réitéré sa demande. Il avait longuement fixé le visage du psychologue, examiné chaque centimètre carré de sa face, de son nez, de son crâne dégarni, jusqu’à le dévisager.

Une fois seul, le médecin soupira, regardant dans le vide. On lui avait ordonné la prise en charge d’un paient. On lui avait clairement indiqué ce qu’il devait en faire : un admirateur du régime qui devrait dénoncer d’une manière ou d’une autre ses parents. Qu’importe la véracité des propos tenus. Et qu’est-ce qu’il avait obtenu ? Un imbécile comme tant d’autres qui avait non seulement oublié l’existence de ses parents, mais aussi perdu l’ensemble des éléments qui constituaient sa mémoire, et qui posait des questions sur sa vie, auxquelles il était incapable de répondre.

D’autre part, Lao ne pouvait se concentrer entièrement sur ses faits et gestes. Ses pensées, son esprit étaient en fait régulièrement consacrés à une certaine personne : sa fille. Trois semaines plus tôt, on avait en effet perquisitionné chez elle et trouvé dans un pan de mur creux de sa chambre deux paquets de chewing-gum, déjà entamés. La nourriture des capitalistes disait-on, la fille d’un médecin d’Etat possédait des échantillons de nourriture des capitalistes ! C’était de la trahison, elle n’avait ni plus ni moins que répudié le général Vodkine !

On l’avait donc emmenée. Sa mère, l’épouse de Lao, se lamentait inlassablement, mais pas précisément pour les mêmes raisons que lui. Elle se plaignait presque d’avoir engendré une fille qui ait pu trouver le courage d’enfreindre les lois et d’imiter les ennemis de l’Ouest.

Plus paternel, Lao se taisait. Aujourd’hui, le fond de sa pensée se révélait, après, en quelque sorte, une vingtaine de jours d’incubation. Ce n’était que maintenant qu’il s’interrogeait sur l’utilité et le bien-fondé de ses gestes, les motifs qui le poussaient à agir ainsi. Petit à petit, il crevait les parois de la bulle que Vodkine avait créée autour de lui. Le dirigeant était-il si juste qu’on le clamait ? Les conditions sociales étaient-elles vraiment supérieures à celles des autres pays ?

Ses réflexions le conduisaient alors à une question d’importance majeure : qu’est-ce qui l’avait suffisamment attiré pour exercer ce métier ? Cela faisait dix-huit ans qu’il exerçait la profession de psychiatre, et treize qu’il était dans cet établissement. Combien avait-il vu passer de personnes qu’il avait transformées en fanatiques du régime ? Et tout cela, pour quelques milliers de yuans mensuels. Lao était marié, et sa fille, jusqu’à la semaine précédente, logeait également dans la maison. Elle était une des rares privilégiées dont la position de son père lui permettait de fréquenter les Maisons d’Enseignement Populaire. Sachant qu’il ne pouvait pas se permettre de rester au chômage, qu’il devait nourrir et loger les deux femmes de sa vie, ce qu’il faisait était-il vraiment criminel ? Certes, il devait l’admettre, ses méthodes, considérées comme usuelles par le gouvernement et l’Académie de Médecine, étaient répugnantes, bien qu’il n’ait jamais éprouvé le moindre scrupule à s’en servir.

Oui, c’était un criminel. Mais il n’avait pas le choix. Aimait-il Vodkine ? Il était là encore incapable de répondre à cette question. Impossible de répondre par la négative, mais quelque part, il refusait d’approuver le fait que Vodkine soit, comme on le disait, une sorte de messie du vingt-deuxième siècle, qui savait comment redresser le monde et remporter la victoire sur les capitalistes américains, définis comme seuls responsables de la guerre. Il ne devait dire ça que dans le cadre de son travail. A ce propos, il se rappela qu’il ne devait surtout pas oublier d’incrémenter son Compteur au fil des heures, avant le crépuscule. Pas trop rapidement tout de même, on allait le repérer s’il prononçait six cents vivas dans un intervalle de temps trop limité. Mais en privé, c’était différent. Une sorte de haine, un désir de révolte, d’abord discret mais qui s’affirmait de plus en plus au fil des minutes, l’envahissait. Celui-ci pouvait se limiter à jeter une pierre dans un canal, ne pas ranger un document dans un certain dossier, qu’importe, pourvu qu’il se soit – même discrètement – exprimé.
Au faîte de sa révolte intellectuelle, il se risqua à une idée folle. Et si Vodkine mourait ? Et si le régime tombait ? Qu’adviendrait-il de lui ? Lao serait-il jugé ? Jintao, le directeur, le maître de l’ensemble, serait-il condamné ?

Depuis l’arrestation de sa fille, le directeur de l’établissement faisait ce qu’il voulait de lui. Il faisait régner sur lui un climat de pression constante. L’un comme l’autre savaient que la moindre erreur pourrait lui être fatale. Il en profitait pour lui confier les cas les plus difficiles. Des révolutionnaires violents, qui avaient eu la chance de ne pas avoir été déportés dans une prison géante réputée inviolable dont la seule évocation du nom, Centre 109, faisait trembler Lao.

Mais il interrompit soudainement sa réflexion.

Il avait l’impression d’avoir parlé à haute voix, d’avoir révélé tout haut des propos que l’on devait garder pour soi. Instinctivement, et inexplicablement, il se leva et fouilla de fond en comble la pièce. Lao craignait qu’on ait placé pour une quelconque raison des microphones dans sa pièce. Mais il n’avait pas parlé – alors lui avait-on implanté à son insu une puce dernier cri dans son cerveau ? C’était possible après tout il était surveillé il y avait de quoi être surveillé et puis sa fille oh ma fille était quelque part en train de se faire –

Non.

Il n’y avait personne. Cette réflexion lui vint à l’esprit comme une évidence. Qu’est-ce qui lui avait pris de fouiller ? Lao se rassit mollement, fermant les yeux à nouveau et soupirant. Il se rendit compte qu’il était sur les nerfs depuis trois semaines.

Dans son délire, il avait pensé à la fameuse puce électronique, mise au point il y a quelques mois et actuellement en cours de fabrication. Celle-ci, implantée sur le cerveau humain, devrait remplacer les Compteurs et repérer les ennemis au régime plus facilement. Mais il allait s’écouler quelques mois voire quelques années avant que chaque citoyen en possède une : il fallait en effet la fabriquer en presque deux milliards d’exemplaires... De même, il avait cru entendre qu’un certain laboratoire était en train de développer des sortes de médicaments annihilant toute pensée révolutionnaire et agissant sur la mémoire du sujet…

Cependant, il s’aperçut qu’un quart d’heure s’était écoulé depuis qu’il avait renvoyé MK17 dans sa chambre. Déjà ! Un aussi grand laps d’inactivité pouvait être mal perçu. Aussi, Lao empoigna le téléphone et déclara : « Amenez-moi Lu Li de la chambre 186. Immédiatement, je vous prie. »

Tout en attendant la venue de son prochain patient il jeta un coup d’œil à la fenêtre. Un camion était entré bruyamment dans la cour de l’hôpital psychiatrique. Une fois stationné, la rampe arrière de celui-ci tomba, et un groupe de trois personnes descendit. Il y avait là deux soldats entourant un jeune homme, les mains liées, probablement âgé d’une vingtaine d’années, à l’expression mécontente. Avec ça, il criait. « Un jour, ce sera fini tout ça ! Un mouvement révolutionnaire est en train de naître, et il abattra pièce par pièce tout ce qui compose le régime ! – Tais-toi et avance ! » beuglait en réponse le gardien.
Revenir en haut
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Mikazuki
Dramaturge des forums
Dramaturge des forums


Inscrit le: 17 Oct 2007
Messages: 1245

MessagePosté le: Lun 06 Avr 2009, 9:06 am    Sujet du message: Répondre en citant

Lao le regarda encore quelques instants. D’un coup, la porte s’ouvrit, et le dénommé Lu li pénétra dans la pièce, accompagné d’infirmières à la carrure imposante. « Très bien, dit le psychiatre, nous allons pouvoir commencer. Attachez-le à son siège. » Et bientôt, la séance commença.

Un étage plus bas, les gardes et leur prisonnier entraient au même moment dans le bâtiment blanchâtre. Ils se retrouvèrent alors dans une assez grande pièce. Le sol, tout comme le mobilier restreint qu’elle comportait, étaient peints dans une désagréable couleur rouge. Tous les trois s’approchèrent alors d’un bureau accolé à un des murs. Une femme se trouvait derrière.

« Nous vous amenons un patient, de la part du docteur Shen, annonça le garde en s’efforçant d’adopter un ton moins rude qu’à l’ordinaire. »

La standardiste ouvrit alors un de ses registres. Puis un autre. Au bout d’une minute environ, elle répondit, gênée : « Il n’y a pas de dortoir disponible. Il faut attendre demain pour en trouver un de libre. Quelqu’un sera transféré dans un autre établissement.
- Comment ! tonna le garde, qui ne supportait plus les blasphèmes politiques proférés en continu par le prisonnier, auxquels il répondait par quelques vains coups de matraque. Il n’y a pas moyen de le mettre en chambre double ?
- Voyez ça avec le médecin-chef. Ah, ben tenez, il arrive. »

En effet, un homme du même âge que Lao et à la silhouette trapue s’avançait à pas lents dans le hall d’entrée. L’un des gardes l’interpella et exposa le problème. Après quelques instants de réflexion, et une consultation rapide de la liste des patients détenue par la réceptionniste, il dit : « Vous pouvez provisoirement le coucher en chambre 212. Elle est bien sûr déjà occupée, mais j’ai entendu dire que ce patient est relativement silencieux, il ne prononce plus un mot depuis des jours – un peu de compagnie ne lui fera pas de mal pour lui faire retrouver la parole. On les fera suivre tous les deux par le même soigneur, ça évitera les problèmes en tous genres. »

MK17, l’occupant de cette chambre 212, vit donc s’ouvrir avec fracas la porte de sa chambre. Il ne bougea pas. Il fixait toujours le même point dans le mur opposé de sa chambre, éclairé par la lumière du soleil qui émanait du vasistas au plafond. Bien entendu, l’installation de l’autre jeune homme – il s’appelait Yui, d’après ce que MK17 avait écouté de leurs bruyantes conversations. Encore un qui avait un nom – occasionna beaucoup de dérangement, mais celui-ci se calma un peu lorsque le soldat qui l’accompagnait brandit la menace de l’exécution s’il continuait son vacarme. Il troublait la convalescence de son voisin de chambre, et on en avait déjà abattu pour moins que ça. De toute façon, une heure plus tard aurait lieu sa première consultation avec le docteur Lao.

Et effectivement, des infirmières accompagnèrent à un moment donné Yui jusqu’à cette grande pièce du premier étage. MK17, qui savait que son tour allait venir un peu plus tard dans la journée, apprécia le silence de son absence ; mais quelle ne fut pas son émotion lorsque trente minutes plus tard, Yui reparut en pleurant à chaudes larmes dans la chambre 212. MK17 ne laissa évidemment rien paraître, mais il y avait quelque chose de pathétique dans cette scène, c’était comme un beau lion à qui on aurait tiré une balle dans la patte pour le simple plaisir de faire mal, de blesser et de souiller. Un peu plus tôt Yui déclarait silencieusement qu’il était prêt à mourir pour la vraie révolution, qui amènerait enfin pain, paix et liberté dans un pays qu’on nommait autrefois Chine. A cet instant, il ne voulait plus entendre parler de quoi que ce soit, se moquait éperdument de la colère populaire, s’abandonnait à la résignation et ne demandait plus rien pourvu qu’on le laissât tranquille.

Entre temps, MK17 revit Lao dans le cadre de ses consultations, et celui-ci ne le laissa pas poser la moindre question. Cela ressemblait à une course contre la montre. Il ne fallait pas donner le moindre répit à ce malade, et même s’il échouait, il ignorerait les questions. Pour cela, Lao lut différents textes à haute voix. Il racontait l’histoire du régime, lisait des extraits du livre de Vodkine, si bien qu’on ne vit pas les trente minutes de son rendez-vous passer. Toutefois, alors que des infirmières le ramenaient à sa chambre, Lao ordonna à MK17 de ne rien faire qui puisse contrarier son voisin de chambre, Yui, de quelque manière que ce soit… Autrement, il ne connaîtrait jamais la vérité sur ses origines. Le chantage était le seul moyen qu’il avait trouvé pour faire taire le garçon.

Tant de manières envers autrui de la part d’un homme comme Lao étonnaient MK17. D’ailleurs, à son retour, Yui s’était calmé et ne disait pas le moindre mot. On l’avait changé. A présent, comme tous les occupants du centre, il était vêtu d’une sorte de peignoir blanc. Il était allongé sur son lit. Il fixait le plafond de ses yeux, assistait à la lente transformation de la couleur du ciel. Du bleu clair matinal, celle-ci touchait au fil des heures à l’orange, signe que le soleil se couchait.

Encore une journée de passée et MK17 n’avait pas constaté le moindre changement sur sa situation. Quand cela s’arrêterait-il ?

Ce qui surprenait MK17 restait malgré tout le calme de son congénère. Il ne disait pas le moindre mot, ne soupirait pas. Comme lui, il attendait que le temps passe. Dans un silence presque total, MK17 retombait dans l’indifférence et s’endormait.

Cependant, il se réveilla à un moment de la nuit, et constata étrangement que Yui n’était plus dans son lit. Comment cela se faisait-il ? Où était-il ? Il n’avait en fait qu’à tourner la tête de l’autre côté du lit : Yui était debout sur la table de chevet de MK17, et déboulonnait patiemment une grille sur une bouche d’aération que celui-ci n’avait jamais remarqué.

« Qu’est-ce que vous faites ? se hasarda MK17.
- Cela paraît évident, non ? J’essaie d’enlever cette saleté de grille. Désolé, mon garçon, mais je m’évade d’ici, et je veux tenter le coup seul. Si je ne le fais pas, je finirai certainement encore plus fou que les dingues qu’on peut ici trouver par dizaines. » grommela Yui en faisant tomber par terre son troisième boulon. Il n’en restait plus qu’un encore en place.

Ebahi, MK17 regardait faire quelque chose qu’il considérait comme impensable. Cet homme allait s’évader ! Il allait partir d’ici ! Partir ! Et pendant que Yui terminait le dévissage du quatrième boulon, un irrésistible besoin de liberté le prenait à son tour. Mais il y avait aussi le danger. La perspective d’une évasion ratée, qui se finirait certainement dans un bain de sang.

« C’est de la folie, dit-il. Vous allez vous faire tuer. Il y a plein de gardiens dehors.
- Et alors ? Tu sais, lors de mon entrée il y a quelques heures, j’ai bien regardé quelles étaient les issues en vue d’une éventuelle évasion. De toute manière, je n’ai plus rien à perdre. Si je réussis, c’est bien. Si je rate, que je me fais repérer par les gardiens, que je me fais hacher de balles, et bien ! Tant pis. Ne crois-tu pas que dans une situation comme la nôtre, il vaut peut-être mieux être mort que subir tous les jours les consultations de cet imbécile fini de Lao ? »

MK17 acquiesça. Impuissant, il regardait faire Yui. Ses longs ongles l’aidaient considérablement à retirer un par un les boulons. D’ailleurs, le quatrième tremblait. Un instant plus tard, il roulait sur le carrelage. Jubilant, il prit la grille entre ses mains, et contempla le large et profond trou dans le mur qui le mènerait à la liberté.

« Je crois que notre ami Vodkine devrait songer à un meilleur scellage des grilles des bouches d’aération, ironisa Yui. Au revoir, mon grand, dit-il à MK17. Mais je n’ai vraiment pas que ça à faire.
- Attends, répondit l’autre. Si je le désire, je peux crier très fort pour appeler les gardiens, si tu ne m’emmènes pas. »

Davantage agacé qu’effrayé, Yui se retourna.

« Eh bien vas-y, appelle-les tes gardes. Mais que veux-tu qu’ils fassent ? Ils n’oseront jamais pénétrer dans ce conduit. Lorsqu’ils entreront dans cette chambre, ce sera déjà trop tard. Je serai parti. Et cela m’étonnerait qu’ils aient poussé le vice jusqu’à mettre des caméras thermiques dans les conduits d’aération. Tout ce qu’ils peuvent faire, c’est éventuellement préparer un comité d’accueil le long des clôtures… Et je te l’ai déjà dit : je n’ai plus rien à perdre. A moins que tu veuilles venir avec moi ? C’est ce que tu veux, non ? dit-il après une pause. Mais avant cela, pense aux gardiens. Une évasion ne se fait pas sur un coup de tête. Et tu n’en as pas conscience ! Moi, ça fait des semaines que j’y pense ! Depuis que j’ai été arrêté pour le motif insignifiant d’activités subversives ! »

MK17 et Yui se regardèrent longuement. Non… Il avait raison. MK17 ignorait jusqu’à la notion d’évasion de ces lieux. Cela lui semblait si irréalisable. Le peu qu’il connaissait de l’extérieur se résumait en d’imprenables tours de guet et de patrouilles stationnées le tour de la cour régulièrement. Après quelques instants, Yui se hissa au bord du conduit, se courba jusqu’à être à plat ventre puis commença à ramper. Bientôt, MK17 ne vit plus que ses jambes, puis ses pieds, puis plus rien. Il était parti. Sans lui.

Yui, dans le conduit, devait admettre pour lui-même que la chose était plus ardue qu’il ne l’avait pensée. Les bouches d’aération étaient très étroites et permettaient difficilement le passage d’un homme de sa carrure, bien qu’il fut pourtant grand et mince. Il faisait très frais dans ce passage. Cela était à imputer à la proximité de l’air extérieur, très frais puisque c’était une nuit de février. Il y avait de plus beaucoup de poussière. Mais en définitive, l’élément le plus gênant restait la largeur réduite des bouches d’aération, conjuguée à l’obscurité permanente qui régnait en celles-ci. Yui devait se guider au toucher, repérer de ses mains les croisements des voies du circuit. Il tendait ses bras autant qu’il le pouvait devant lui, plaquait ses paumes contre les dalles verticales et se traînait par la force de ses membres vers l’avant.

Il s’aperçut à un moment donné que malgré la faible température des gouttes de sueur perlaient son visage. Ses mains, son corps étaient agités de tremblements. Etait-ce la fraîcheur ? Etait-ce la peur qui montait ? L’obscurité constante, le sentiment d’être prisonnier d’un labyrinthe privé d’échappatoire produisaient tous deux un sentiment désagréable. Sortir, sortir, il voulait sortir d’ici. Il n’accordait plus la moindre confiance à quelque objet ou personne que ce soit. Ou était-il tout simplement frileux à l’idée de retrouver la liberté ?

Vivre, mourir… Il connaissait tout des risques qu’il prenait en s’évadant de l’hôpital. Même s’il quittait sain et sauf les lieux, sa vie n’était pas assurée pour autant. Vivre, mourir… Si on le retrouvait, une journée, une semaine, un mois, une année voire une décennie plus tard, il savait qu’aucune grâce ne lui serait accordée, et qu’on l’exécuterait, à moins qu’il ne soit redevenu un anonyme. Mais qu’importait. Il ne pouvait plus se retourner. Il ne pouvait plus regagner sa chambre. Et puis quel silence. Depuis combien de temps était-il plongé dans les ténèbres de ce couloir ? Quelle distance avait-il parcourue en rampant ? Cinquante, cent mètres, il ne savait pas… Sa mâchoire se serra. C’était le froid. Ce trouble était-il à imputer à l’air ambiant ou à sa peur ? Il ne savait pas non plus. Peut-être davantage à sa peur. Yui rampait toujours. Il atteignait des croisements. Quelle direction prendre ? Il se laissait guider par l’instinct.
Revenir en haut
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Montrer les messages depuis:   
Poster un nouveau sujet   Répondre au sujet     Index du Forum - Littérature Toutes les heures sont au format GMT + 2 Heures
Aller à la page 1, 2  Suivante
Page 1 sur 2

 
Sauter vers:  
Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas voter dans les sondages de ce forum