. À Bout Portant

[Sechs]

Intéressé par des avis enthousiastes de la critique française comme des spectateurs concernant un film non seulement d’action mais en plus français, j’ai vu À BOUT PORTANT de Fred Cavayé.

Synopsis

Nadia attend une petite fille, Samuel travaille comme aide-soignant et doit bientôt devenir infirmier. Tout va bien pour le couple, jusqu’au jour où Nadia est enlevée sous les yeux impuissants de Samuel. S’il veut la revoir en vie, il a trois heures pour faire sortir de l’hôpital Hugo Sartet, un homme activement recherché par la police pour des affaires de banditisme…


Cours, Gillou, cours !

Le résultat à l’écran ? Une réussite.

Le scénario de Guillaume Lemans a l’intelligence de ne pas s’éparpiller : l’histoire est simple, épurée, mais elle est au moins solide. Ça ne cherche pas à révolutionner le cinéma d’action, ça a au moins le mérite d’être efficace et bien fait.
Les personnages sont très typés et ça fonctionne. L’identification des rôles est rapide et précise : il y a ce qu’il faut de clichés tout en ne tombant pas dans la fainéantise la plus totale. La meilleure performance est à mon sens Gérard Lanvin, sacrément badass et une lueur fascinante dans les yeux.
Il y a tout de même des passages intéressants et assez fins, comme la manière dont on découvre les conspirateurs qui sont derrière toute l’histoire ou bien le fait que Nadia change de ravisseurs en cours de route.
Les rebondissements sont rondement amenés, pas révolutionnaires ni même imprévisibles mais le rythme ne pâtit jamais d’un excès de dialogues (certaines phases fonctionnent d’ailleurs sans trop de parlote). L’ensemble ne tombe pas dans les explications à tout prix, ce qui est souvent rédhibitoire dans les thrillers à la française, on en saura ce qu’il faut pour comprendre la trame et les enjeux et c’est l’essentiel. Il est d’ailleurs amusant de voir que le pot aux roses est rapidement dévoilé (vers la moitié du film), ce qui permet d’évacuer tout retournement grossier pour se focaliser essentiellement sur l’action.
Le film évite aussi de se prendre à 100 % au sérieux en distillant ce qu’il faut d’humour (très petites touches, cependant).


Bad motherfucker made in France.

Ceci est complété par une réalisation sobre, sans fioritures, et néanmoins travaillée.
Fred Cavayé utilise judicieusement la « shaky cam » pour accentuer les moments d’alerte, sans pour autant verser dans la « greengrasserie » insupportable (GREEN ZONE sérieusement, un traumatisme cinématographique de cette année). Au contraire, dans la même séquence il peut en jouer en faisant un champ/contrechamp où le premier use d’une caméra fixe et le second d’une « shaky cam », permettant de correspondre au contenu de son image (dans la séquence d’introduction, les plans sur l’accident sont vacillants alors que ceux sur les gens assistant au-dit accident sont stables).
La photographie est dans un équilibre précaire quoique réussie, pas terne mais n’utilisant que ponctuellement les couleurs chaudes, l’ensemble est lumineux et agréable.
Le montage est d’une clarté exemplaire, jusque dans ses scènes d’action ou les séquences au milieu de la foule. J’ai un coup de cœur pour la course-poursuite dans le métro, magistrale car fusionnant les stations de métro de Châtelet, Opéra et Saint-Lazare (pour le parisien que je suis, c’est facile à reconnaître) pour étirer spatialement et temporellement la séquence.
Enfin, le rythme est haletant, très bien géré car même pendant les temps mort on ne s'emmerde pas une seconde. Les seuls moments où je voyais l'heure tourner, c'était en voyant le p'tit cercle blanc apparaitre en haut à droit de l'écran et qui indique qu'on change de bobine (aucun mérite à savoir ça quand tu as vu FIGHT CLUB), soit environ un quart d'heure de film ^_^.



Finalement, le seul « défaut » du film est qu’il est bien, mais aucun aspect ne s’approche du sublime. Rien de brillant ou de surprenant. C’est la limite d’À BOUT PORTANT qui est par ailleurs vraiment honnête, bien fait et pas dégueulasse pour un sou. On assiste à l’œuvre de gens qui ont bossé avec sérieux dessus, avec un talent certain mais sans génie, en fait. Espérons que cela forgera à Fred Cavayé une bonne réputation et de l’expérience pour qu’il nous gâtera avec d’autres films plus ingénieux.
En attendant, la qualité de l’œuvre est indéniable et augure de bonnes choses pour le cinéma français. On aimerait voir plus souvent des films avec tant d'humilité et pourtant aussi soignés. Avant de révolutionner le cinéma, savoir les bases, c'est important aussi, tiens.
Ça m’a donné envie de voir POUR ELLE, d’ailleurs.