La place de l'Islam dans les pays musulmans.
C'est un sujet brulant de l'actualité et qui touche à la géopolitique, mais aussi aux question de société.
Le monde Arabe particulièrement, mais au delà, l'ensemble du monde musulman, connaissent depuis quelques années des bouleversements sociaux et politiques, et il semblerait que les anciens régimes et les systèmes politiques hérités de l'après guerre, soient arrivés à bout de souffle.
Ainsi, des pays comme la Tunisie, l'Egypte, la Libye, la Syrie ou d'autres encore, continuent d'alimenter l'actualité sur la situation politique de leurs sociétés, animées par une volonté très forte de se libérer des régimes corrompus qui les ont dirigé depuis des années.
Mais si ce mouvement est particulièrement spectaculaire dans les pays arabes, la libéralisation de la vie politique dans un pays musulman s'est déjà opéré en douceur en Turquie, et elle a aussi tenté, sans succès cette fois, de faire son chemin en Iran sous le nom de « révolution verte » après la ré-élection très contestée d'Ahmadinedjad.
Partout cependant, que question demeure : quelle est la place de la religion dominante, l'Islam, dans ces pays à l'heure actuelle ou à venir.
Ces pays ne sont donc pas tous arabes, mais il sont tous musulmans. On définira ici un pays musulman comme ayant une population majoritairement musulmane. Ce sont donc de ces pays que l'on parlera EXCLUSIVEMENT ! Donc inutile de parler de la France.
I - Les Islam.
Commençons par le début.
Bien que reconnaissant tous le prophète Mahomet, le Coran, ou les 5 piliers de l'Islam, tous les musulmans ne pratiquent pas exactement la même religion, et certains dogmes importants, comme les questions d'organisations sociales et religieuses changent d'un courant à l'autre.
Il convient préalablement de les présenter afin de prendre conscience de la diversité de l'Islam, diversité qui aura des conséquences assez lourdes sur l'organisation des sociétés de ces pays, comme sur les relations entre les différents états.
a) Le mouvement majoritaire, et de très loin (85 à 90% des musulmans) est le
sunnisme.
Le Sunnisme reconnaît le prophète, le coran, mais s'appuie aussi sur la sunna (l'ensemble des hadith) qui sont les actes et paroles rapportées par Mahomet lui même sur ses actions et son mode de vie. Les sunnites tendent à prendre Mahomet comme modèle et s'inspirent de lui pour leur vie quotidienne, ou en tout cas essaient.
Mais voilà, de même qu'il existe plusieurs sources pour décrire l'œuvre de Jésus (les évangiles) il existe plusieurs sources pour les hadith, et tous les sunnites n'utilisent pas les mêmes sources ou ont une interprétation différente sur le sens donné à celles-ci.
Plusieurs écoles de pensées existent et sont majoritaires en certains coins du globe, et donc finissent par structurer davantage la pensée qu'un autre sur certains territoires. Pour des raisons pratiques, seules les 4 grandes écoles vont être rapidement présentées.
Les Hanafites : Cette école se refuse à une interprétation stricte et littéraire des hadith et préfère miser sur l'interprétation, le contexte et est celle qui laisse le plus de place aux opinions personnelles. Au niveau du droit, les hanafites aiment faire preuve de discernement et gérer les situations au cas par cas.
Ce courant est majoritaire en Turquie, dans les pays d'Asie centrale, ainsi qu'aux Indes, et dans les pays arabes du proche orient (Palestine, Liban, Syrie, Irak, Jordanie et Koweit)
Les Malikites : Cette école a la particularité d'intégrer comme sources pour le mode de vie à suivre, de s'inspirer non pas seulement de Mahomet lui même mais aussi celui des habitants de Médine à l'époque où le prophète y vivait.
Ce courant se retrouve au Maghreb (Libye comprise) ainsi que dans toute l'Afrique de l'Ouest .
-Les Chaféites : Cette école met en valeur les hadith et cherche le consensus au sein des croyants, mais privilégie le point de vue des savants sur celui des autres acteurs.
Cette école se retrouve principalement en Égypte, et plus généralement dans toute l'Afrique de l'Est ainsi qu'en extrême orient (Indonésie et Philippines).
-Les Hanbalites : Il s'agit de l'école la plus conservatrice et la plus restrictive au niveau des sources. Elle privilégie l'interprétation littérale du coran et des haddith, et vise à appliquer ses principes stricto sensu.
Cette école est surtout présente dans la péninsule arabique.
b) On oppose au sunnisme,
le Chiisme, autre grand courant de l'islam représentant 10 à 15% des croyants.
Les chiites se distinguent des sunnites par le fait que les croyants doivent être dirigés uniquement par des descendants du prophètes et de Ali, son cousin et successeur selon eux.
Les imams, selon les chiites ont été choisi par Dieu, et leur parole est à ce titre infaillible.
Ils doivent être totalement exemplaires, parfaits et ne peuvent être reconnus que par l'imam précédent.
Au sein du chiisme, c'est le mouvement des
Duodécimains qui est largement majoritaire.
La succession du pouvoir s'est fait du dernier prophète (Mahomet) au premier imam, puis du premier au second, et ainsi de suite jusqu'au douzième qui est l'actuel imam. Mais cet imam a été occulté (privé de sa forme charnelle) et ne doit reprendre sa forme physique qu'à la fin des temps.
Ce courant est majoritaire en Iran, Irak, Azerbaïdjan et à Barhein. On en trouve aussi au Liban, dans le Sandjak d'Alexandrette en Turquie, ainsi qu'en Afghanistan.
Mais les Duodécimains ne sont pas les seuls chiites. Il existe des groupes plus restreints, parfois plus secrets, mais deux d'entre eux vont être évoqués ici car ils prennent une certaines importance :
Les Alaouites : Il s'agit d'une secte chiite hétérodoxe qui a la particularité de ne pas porter un message à tendance universaliste. Entendez par là que la doctrine alaouite n'entends pas convertir l'humanité à sa religion. La doctrine alaouite est réservé à une minorité initiée.
Les points principaux des dogmes sont mal connus où sujets à débat, du fait du secret entourant cette religion. On sait cependant qu'ils n'appliquent pas la charia et que les femmes alaouites ne portent pas le voile, d'autres obligations de l'islam n'existant pas chez les alaouites.
Les alaouites se concentrent principalement sur la côté Syrienne et représentent 20% de la population. L'importance de cette communauté religieuse tient au fait qu'elle détient le pouvoir en Syrie avec les principaux postes de l'Etat (Bachar al assad est alaouite), de l'armée, des services de sécurité ou de la fonction publique.
Leur appartenance à l'Islam fait débat.
Les Druzes : Il s'agit là encore d'une minorité. Les druzes forment une communauté religieuse sans lieu de culte, ni prêtre, ni liturgie, mais dirigée par certains membres de grandes familles, en tout cas pour les affaires politiques et sociales, mais pas au niveau religieux.
Ils croient en la réincarnation.
On les trouve principalement au sud de la Syrie ainsi qu'au Liban.
Ils sont l'une des principales communauté de ce pays et jouent un rôle actif dans la vie politique de ce dernier, principalement par le biais des Joumblatt, depuis la guerre civile libanaise.
La carte suivante résume la localisation des différentes communautés musulmanes, de manière assez précise, bien que la classification des différents courants dans la légende soit sujette à discussion.
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Source : le Dessous des cartes.
II - Islam et politique dans le monde contemporain.
Dès la fin du XIXe siècle et tout au long du XXe siècle, là où l'Europe voyait sa vie politique partagée entre Gauche et Droite, le monde arabo musulman, du fait de son histoire, sa culture, ses réalités économiques et sociales, n'a que très marginalement connu cette opposition, finalement peu fondamentale dans son histoire politique. Il y a bien des partis plus à gauche ou à droite, voir des partis communistes, mais ils se révèlent globalement marginaux.
Il y a cependant bel et bien eu un affrontement entre des « conservateurs » et des « réformateurs » toute proportion gardées, mais celui ci s'est davantage illustré entre les partisans de l'Arabisme, plutôt « laïques » et les partisans de l'islam politique, les islamistes, prenant souvent leur source dans le salafisme.
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Le salafisme contemporain prends ses sources dans la péninsule arabique, chez Mohammed ben Abdelwahhab, à l'époque de l'Empire ottoman. Prenant acte du retard manifeste du monde musulman sur l'Occident dans tous les domaines, ce dernier fait échoir la responsabilité de la situation à l'empire Ottoman, ainsi qu'à une perte des valeurs de l'Islam.
Pour lui et ses disciples, le monde musulman, pour retrouver sa place, doit revenir au message originel du prophète, aux sources de l'islam, adoptant une position radicale à l'image de l'école Hanbalite d'où ils sont originairement issus.
La Oumma (soit la communauté des croyants) doit être dirigée au sein d'une même entité, le califat, dont la responsabilité doit échoir aux arabes. En effet, pour les Wahhabistes, l'Islam a été dévoyé par les peuples musulmans non arabes, et les turcs sont particulièrement accusés du fait de leur politique et les intrigues de la dynastie Ottomane de la « Sublime Porte ».
Pour retourner à ses sources, le Califat doit être dirigé par les arabes, vu alors comme pourvus d'une plus grande moralité politique, et plus à même de rester fidèles au message originel, le Coran étant écrit en langue arabe, et ne pouvant donc être compris réellement que par eux, et étant en primes les premiers porteurs de l'islam et ses traditions.
Cette situation doit donc, dans l'esprit des premiers salafistes notamment, donner une primauté aux arabes d'ans l'organisation du Califat.
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L'arabisme lui, est surtout né au début du XXe siècle, en réponse à cette tendance islamistes. Les premiers promoteurs de l'arabisme sont essentiellement des arabes chrétiens, libanais ou syriens, qui seront rejoins ensuite par des musulmans sunnites.
Les arabistes, notamment chrétiens, ouverts sur le monde et l'occident chrétien, ont voulu importer ce concept d'une unité culturelle et nationale dépassant le clivage religieux, alors important dans le vie du moyen orient, afin de réunir les arabes sous un même groupe, sous une même nation, sans discriminations religieuses.
Ce mouvement qui née également sous l'empire ottoman ne prend pas alors tout de suite le chemin d'une demande d'indépendance, les premiers arabistes étant même favorables au pouvoir impérial, réclamant seulement une plus grande autonomie.
Mais la 1ère guerre mondiale, la réaction des turcs envers les arabes, le jeu des puissances occidentales, surtout après guerre, et la menace du mouvement sioniste vont progressivement changer la donne.
Les différents états arabes vont progressivement prendre, à défaut d'indépendance, de plus en plus d'autonomie, mais là encore, c'est la guerre, et notamment la 2e guerre mondiale qui va permettre à certains états de prendre réellement leur indépendance du fait de l'affaiblissement des puissances européennes.
L'arabisme va connaitre son apogée dans l'après guerre, avec des mouvements tels le nassérisme ou le Baasisme qui sont des idéologies s'articulant sur 3 grands points :
*le panarabisme, soit l'union de tous les arabes sous un état confédéral.
*Le socialisme arabe, qui se distingue du marxisme par le rejet du concept de lutte des classes, le refus de fondre l'entité arabe dans l'internationalisme, et le rejet de l'athéisme, la religion étant jugée importante dans l'identité et la vie arabe.
*Une laïcité relative qui vise à séparer les affaire publiques et le religieux, laisse une certaine liberté de culte, notamment aux « gens du livre » mais confirme la prédominance et les références à l'Islam pour son apport à la civilisation arabe.
Pour les pan arabistes les arabes forment une même nation devant être réunie, et compare cette nation à l'Italie ou l'Allemagne du XIXe Siècle. L'idée est donc de suivre le même schéma que ces 2 pays européens, et donc, de soutenir l'état arabe qui sera le plus prêt et le plus apte à créer cette unité. Cela génère donc l'idée d'un état leader qui doit suivre ce rôle et suscitera ainsi la méfiance des différents dirigeants des pays arabes qui se méfient chacun des ambitions de leur voisins à leurs dépends.
C'est la raison pour laquelle l'unité arabe ne s'est jamais réellement faite et est restée au niveau de la ligue arabe, parodie d'organisation commune, dont seul l'unité face à Israël semble être un point d'accord.
L'échec de l'expérience de la République Arabe Unie, entre l'Égypte nasserienne et la Syrie Baasiste continuera de discréditer ces mouvements, mais c'est surtout la paix et la reconnaissance mutuelle de l'Égypte, état leader historique de l'unité arabe avec Israël sous Saddate, et qui entrainera l'exclusion de l'Égypte de la Ligue, qui sonnera le glas de ce mouvement.
-Pendant cette période arabiste,
l'Islam politique (ou islamisme) est marginal, mais existe néanmoins surtout dans les états de la péninsule arabe, principalement en Arabie Saoudite.
L'Arabie Saoudite est un état qui aujourd'hui encore d'ailleurs est d'inspiration théocratique, dans le sens où la Charia sert de base au droit, et où le consentement des autorité religieuses est requis pour diriger, même s'il s'agit d'une monarchie absolue. Le régime saoudien repose sur l'alliance entre la dynastie royale des Saoud et les partisans d'abdelwahhab, les wahhabistes.
Les partis politiques sont interdits, de même que les syndicats, la charia est strictement appliquée dans de nombreux domaines, et les cultes autres que le culte musulman sunnites sont prohibés, et peuvent être punis de mort. Les cultes différents doivent donc être pratiqués strictement dans un cadre privé. Les juifs ou les athées peuvent être refusés sur le territoire saoudien.
Ce pays qui fit alliance avec les USA à la fin de la 2e GM sur le prnicipe « tu assures mon pétrole, j'assure ton régime » a permis à l'état saoudien de rester protégé par le parapluie militaire américain.
Voulant lutter contre l'influence des arabistes, l'Arabie Saoudite a aidé et financé de nombreux mouvements de prédications assez radicaux dans de nombreux pays, comme arme culturelle contre les pays arabes jugés hostiles, notamment l'Egypte et affaiblir ces régimes de l'intérieur, avec la bénédiction des américains, prêt à soutenir toute idéologie anticommuniste. L'Arabie Saoudite, qui sera alors le centre de l'islamisme, par son action, entrainera progressivement la déstabilisation des régimes arabistes.
A cela s'ajoute
la révolution iranienne qui porte le clergé chiite au pouvoir. Le pouvoir iranien connait bien des élections, mais le pouvoir réel appartient au gardien de la révolution, qui peut mettre son véto sur les décisions du président élu.
C’est donc lui qui contrôle de fait le régime iranien.
L'Iran, de même que l'Arabie Saoudite, a alors financé de nombreux mouvements radicaux à travers le monde, et a appelé les pays musulmans à suivre la révolution islamique. Il s'agit donc d'un état leader en la matière.
Mais L'Iran chiite et l'Arabie Saoudite sunnite ne sont pas alliés, tout au contraire, les 2 pays se vouant une haine parfois mortelle.
Mais au delà des théocraties, un nouveau type d'islam politique, plus modéré, s'est développé, notamment en
Turquie, par le biais de l'
AKP, parti actuellement au pouvoir en Turquie.
L'AKP prends ses distances avec l'Islam politique classique, dans le sens où il ne souhaite nullement établir la charia, ni toute forme de régime autoritaire, mais mise davantage sur l'islamisation de la société par le bas.
Rejetant la laïcité turque et sa source d'inspiration, la France, rejetant l'autoritarisme de l'état turc, l'AKP est un parti inscrit dans la modernité occidentale, s'inspirant d'avantage des conservateurs, voir néo-conservateurs américains.
Il s'inscrit donc sur un certain libéralisme politique et économique, est favorable à l'économie de marché, et l'économie privée, prenant de la distance avec la bureaucratie de l'état kémaliste, tout en voulant conserver les traditions turques, et mettant en avant les valeurs religieuses.
Son ancrage démocratique et libéral, ses bons résultats économique, et son attachement à l'Islam combinés ont d'ailleurs eu un impact sur les différents mouvements islamistes dans les pays arabes, au points que la Turquie semble servir de modèle à certains des partis islamistes, traditionnels, tels les frères musulmans qui voient en leur sein cette nouvelle tendance, proche de l'AKP, s'opposer aux islamistes traditionnels, plus proches de la tendance salafiste.
Le printemps arabe débouchant sur une percée des islamistes à toutes les élections, l’inquiétude est grande en Occident de savoir quel sera la politique de ces partis et la place que portera l'Islam dans ces sociétés.
Islam « à la turque » ?
Mouvements salafistes ?
D'ailleurs, le retour de l'Islam politique est il une fatalité ?
Et ce retour de l'Islam en politique est il lié à la démocratie émergente dans le monde arabe ?
Certains états autoritaire, pour désamorcer la contestation de ces mouvements n'ont ils pas déjà commencé à rapprocher le droit de leur état de la charia ?
A vos plumes !
Les sources ayant permis d'ouvrir ce débat sont Wikipédia sur les différents courants de l'Islam, mais aussi différents podcast sur France Culture.
On ajoute à cela, sur les questions de géopolitique:
-« le dessous des cartes »
-Le Moyen orient au XXe siècle (http://www.amazon.fr/Moyen-Orient-au-20%C3%A8me-si%C3%A8cle/dp/2200266146/ref=pd_cp_b_0)
-Géopolitique du proche orient (http://www.amazon.fr/G%C3%A9opolitique-du-Proche-Orient-Alexandre-Defay/dp/2130537707)
-Et sur l'AKP en Turquie, l'article de Tancrède Josseran sur Realpolitik.tv :
http://www.realpolitik.tv/2011/05/democrates-et-conservateurs-la-machine-de-guerre-ideologique-des-islamistes-turcs/