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Saharienne
Sennin


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MessagePosté le: Mar 01 Mai 2012, 10:27 pm    Sujet du message: La caverne Répondre en citant

Yoh !

Je rédige pour mes cours régulièrement d'énooooormes dissert and co et je trouvais dommage de les faire rester dans les méandres de mon pc. D'une part parce que j'ai tendance à foutre en l'air mes mini pc et que du coup je perd mes dissert et ça m'emmerde, d'autre part parce que je sais qu'il y a parfois des lecteurs curieux, j'ai de bons souvenirs des échanges de dissert qu'on se faisait avec Mika par exemple.

De ce fait cette caverne, dont j'espère bien qu'on sortira un jour, est destiné à mes travaux mais également au votre car la philosophie c'est aussi littérature, tout le reste n'est que musique :3

Ma Ananda Moyi : philosophe ?

Spoil:

Introduction :

L'occidental accepte volontiers la philosophie frappée de mysticisme, de religieux. A deux conditions. Soit qu'elle ait plus de deux mille ans auquel cas le philosophe sera regardé avec indulgence à l'image de nos philosophes grecs les plus mystiques. Soit que le dit philosophe soit religieux certes, mais monothéiste, c'est à dire de façon grossière : occidental.

Se pencher sur le cas de Ma Ananda Moyi c'est choisir de s'interroger sur trois fondamentaux qui font le philosophe dans l'imaginaire populaire : le philosophe est un homme, le philosophe n'est pas mystique, et surtout le philosophe est occidental. Accepter de dire de Ma Ananda Moyi qu'il s'agirait bien d'une philosophe reviendrait à accorder ce titre à une femme indienne qui au XXème siècle fut célébrée comme une sainte.
En lisant les premières pages d'une de ses biographes le philosophe français pourrait aussitôt se détourner de cette personnalité qui vivait de nombreuses transes mystiques et à qui l'on prêtait un certains nombres de pouvoirs comme celui de pouvoir tenir sans manger un long moment. Ma Ananda Moyi n'était pourtant pas une prédicatrice, nul scandale ou histoire d'argent ne se rencontre dans les textes qui lui sont consacré. Mais l'occidental que nous sommes reste sceptique oubliant que son calendrier même est basé sur l'histoire d'un homme sachant multiplier les pains et soigner, lui aussi, les malades.
Peut être Ma Ananda Moyi nous donne-t-elle un début de réponse en répondant à des journalistes choqué par la dévotion affichée par les indiens « Il n'existe que l'Unique. Alors quel mal y a-t-il a laisser les gens faire ce qu'ils désirent ? Mais lorsqu'un individus est dans la dualité et ne perçoit pas l'Un en tout et en tous, il n'a pas le droit de se laisser adorer ». Ma Ananda Moyi ne considère pas que l'on adore sa personnalité mais bien le brahman, absolu universel, présent en elle au même titre qu'en toute chose. Cette citation est bien un début de réflexion métaphysique et elle doit attirer notre attention sérieuse sur le reste de son « oeuvre », essentiellement orale.
Nous nous proposons de nous baser sur le principe de charité théorisé par Quine et Davidson1 qui veut que pour l'analyse d'une situation, notamment dans un contexte de traduction (et ici il s'agit bien de traduction d'une langue à l'autre, d'une culture à une autre...) on prête un maximum de rationalité à son interlocuteur. Dépassant notre scepticisme envers miracles et transes il s'agira de prêter, et non pas de donner, un maximum de rationalité à Ma Ananda Moyi afin d'espérer comprendre sa pensée et de voir si celle ci peut être comprise comme une philosophie.

Nous nous posons donc la question : Ma Ananda Moyi : philosophe ?

Il ne s'agit pas de prouver envers et contre tout que Ma Ananda Moyi fut une philosophe au même titre qu'un Socrate ou un Descartes. Il s'agit plutôt de se servir de son expérience comme d'un « extrême différent » permettant d'interroger la vision que l'on se fait du philosophe pour peut être remettre en question le lieu commun du vieux sage grec et ainsi s'interroger sur ce que l'on entend vraiment par « faire de la philosophie ».



Note :
On peut apercevoir Ma Ananda Moyi, un de ses ashrams, ses états de transe et un de ses voyages à partir de la douzième minute de cette vidéo :
http://www.dailymotion.com/video/xjzabb_arnaud-desjardins-ashrams_webcam
Arnaud Desjardins après des études de philosophie, de théâtre et à science po a constribué à faire connaître les sagesses orientales grâce à la réalisation de nombreux films dans les années 60 à 80.

Quelques éléments de biographie :

Nous avons choisis, pour présenter Ma Ananda Moyi, de tenir compte tant des éléments biographiques les plus rationnels que des éléments plus mystiques qui entourent son parcours de façon à ne pas déformer le récit de son existence qui nous vient d'une culture où ce qui peut nous paraître extraordinaire voir suspect ne choque pas. Il s'agit d'adopter dès à présent un point de vue le plus neutre possible.

Ma Ananda Moyi nait le 30 avril 1896 dans le village à majorité musulmane de Tripura, au sein de l'actuel Bangladesh. Sa naissance elle même et déjà l'objet de légende, les dieux seraient apparus à sa mère la veille de l'accouchement, accouchement qui se serait passé sans douleur.
La fillette est décrit comme joyeuse, serviable tant envers les hindous que les musulmans, parfaitement obéissante. Ces traits de caractère seront déjà constitutif de sa pensée future prônant joie et obéissance au gourou. Elle ne passe que deux ans à l'école et reçoit une instruction religieuse rudimentaire quoiqu'elle accompagne son père aux cérémonies et chante les chants sacrés.
Mais l'enfant est sujette à de nombreuses absences : inerte, le regard fixe elle semble au réveil revenir de très loin. On craint qu'elle ne soit alors que simple d'esprit.
Elle est mariée à douze ans et dix mois à Ramani Mohan Chakravarty qui appartient à une grande famille de Brahmane. En peu de temps son époux est impressionné par ce qu'il considère comme une attitude ascétique : Ma ne montre d'intérêt ni pour les vêtements ni même pour la nourriture. Il la considère dès lors comme un authentique gourou quoique Ma lui obéisse en tout. De cette relation platonique ne naîtra aucun enfant.
En 1918 à Bajitpur où vivent les deux époux elle s'engage dans la voie de l'ascèse à la suite de cette expérience qu'elle décrit ainsi :  « Un jour, à Bajitpur, j'allais me baigner dans l'étang près de la maison. Au moment où je m'aspergeais d'eau, le kheyala (acte intérieur de la réalité suprême) me suggéra :  « comment serait-ce si jejouais le rôle d'une sadhika (femme qui se consacre à la vie spirituelle ? » Et c'est ainsi que le jeu commença ».
Selon ses souvenirs familiaux elle prie en invoquant les noms du seigneur, Vishnou. Son mari shivaites lui intima de le nommer « Shiva » car il était d'une confession différente, ce que Ma accepta car à son sens les noms du seigneurs, y compris ceux d'autres confessions comme chrétienne ou musulmanes, se valent. On perçoit ici la certitude de l'unité de la création, d'un dieu multiple et un : le brahman présent en toute chose qu'importe le nom par lequel on pense le reconnaître.
Un médecin prétendant ôter de son corps l'esprit mauvais qui la plongeait toujours en transe déclara face à son échec : « J'étais vraiment fou de prétendre exercer mes pouvoirs sur elle. C'est une Déesse ». Cette étape marque le début de la reconnaissance publique de Ma Ananda Moyi et de son adoration. En 1922 elle pratique une auto initiation qu'elle décrit en ces termes « Vous désirez appeler quelqu'un que vous voyez, mais vous ignorez son nom. Vous essayez donc d'attirer son attention en lui faisant des signes et en l'appelant par les mots qui vous viennent à l'esprit. Il s'approche alors et vous demande «Etait-ce moi que vous appeliez ? Vous mon nom ». ». On assiste donc à une pensée pieuse qui donne une importance centrale à l'acte de révélation divine, supérieure. Commence alors des périodes de transe plus profonde où l'on raconte d'elle que de son corps froid comme de la glace émanait une lumière sacrée. Ces manifestations attirent une foule de plus en plus nombreuses et l'on raconte qu'elle garda un silence presque parfait durant trois ans.
Vers 1929 son premier ashram est construit, il y en aura d'autres dans toute l'Inde à la demande des fidèles malgré sa certitude affichée que « le monde entier est un ashram ».
Ses états de Samadhi (état de maintiens de la concentration) sont décrits comme de longues périodes de jeûnes alternant des repas gargantuesques. Lorsqu'on la nourrit elle exige un stricte respect des règles de pureté qu'elle justifie en ces termes :  « Je pourrais manger de la nourriture sur le sol ou n'importe où, mais le respect de la propreté et d'autres règles et obligations sociales sont nécessaire pour votre éducation, et de ce fait ce corps (le sien) suit automatiquement ces lois ». On comprend grâce à cette citation le respect des traditions et des coutumes Hindous qui jalonne l'ensemble de son parcours personnel, elle fut ainsi par exemple une épouse exemplaire selon les rites hindous malgré le respect de son mari pour elle qui aurait pu lui permettre plus de largesse.
On relate plusieurs transfiguration lors de grandes cérémonies religieuse où Ma Ananda Moyi emprunterait les trains d'une déesses Hindous à la stupéfaction générale. Pour l'expliquer elle dira que son corps n'a pas été le réceptacle d'un karma passé mais une sorte de toile blanche sur lesquels s'impriment les désirs des hommes et les volontés divines. Pour les observateurs Hindous il s'agit d'un être parvenu à la réalisation de Soi c'est à dire à l’annihilation de tout égo. Cette force divine en elle est nommé Kheyala.
Ses voyages dans toute l'Inde sont l'occasion d'affirmer sa foi en une religion qui dépasse les rites et même les castes : « Selon votre point de vue humain, ce corps appartient au Bengale Oriental et à la caste Brahmane, mais si vous écartez ces distinctions artificielles, vous comprendrez que ce corps est l'un des membres de la grande famille humaine. ».
En 1931 elle organise des cérémonies de kirtan pour les femmes quand celle ci était réservées aux hommes, il s'agit de cérémonies où l'on chante, celle pour les femmes seront alors organisée de nuit sous la surveillance de vieillard. Après la partition de l'Inde ses visites au Bengale cessent. Durant ces voyages elle vit la vie errante et de pauvreté des moines Hindous, mais concernant ses voyages elle dit « il n'y a ni aller ni retour, tout est dans l'atman ». Encore une fois elle invoque ici l'unité du monde sous l'Atman, le vrai soi par opposition à l'égo. L'importance du Soi peut encore être souligné de deux manières : face à l'adoration de ses suivant elle déclare en guise d'explication « n'est il pas naturel d'aimer son propre Soi ? » c'est à dire qu'elle considère que ce Soi dont elle est emplit est également celui de ceux qui l'adorent, ce qui s'explique par l'unité du Soi dans ce monde. Ce qui est encore explicité ici quand on lui demande pourquoi ses méditations ne sont pas basées comme le plus souvent sur la contemplation d'un objet : « Tout ce que chacun peu imaginer qu'elle contemple, que ce soit une personne ou un objet, il n'y a que l'Un ». Elle est décrite comme n'aimant pas les fidèles trop pressant ou trop fanatique car « Il n'y a que les mouches qui peuvent suivre ce corps partout où il va, mais elles n'en recevront pas l'Illumination pour autant . ».
Pour décrire ses états de transe les plus profonds des yogins explique que ses samadhis sont un état où « est réalisé l'unité du Brahman et de l'atman, et qui comporte aussi l'omniscience de Brahman ».
Elle bénit un hôpital à Bénarès, hopital équipé à l'occidental bien qu'elle même refuse les soins et considère prioritairement les conceptions traditionnelles Hindoues. Ici la médecine ne vaut que lorsqu'elle permet au corps d'être dans un état propre à subir une ascèse.
Parallèlement plusieurs ashram sont construit, dont un aux Etats Unis, elle insiste sur le stricte respect de règles de vie en société qui comporte entre autre le respect des anciens, de la hiérarchie, de la politesse, le refus de toute médisance. Concernant le sort de ceux qui vivent dans ces ashrams dans la pauvreté elle déclare : « Quel sort enviable que celui des personnes qui vivent à l'ashram ! Exempt des innombrables soucis et chagrins qui tourmentent la vie du chef de famille !  Quelle chance merveilleuse que de pouvoir se préparer à la quête suprême ! Celui qui endure les difficultés crées par la réunion de gens d'origine, de culture, de conditions différentes verra sa patience se raffermir et sa capacité d'endurance se développer ».
Contre les doctrines elle explique que chacune d'elles bien que contradictoire est valable pour son public : « dans la maison de mon Père il y a beaucoup de demeure » mais qu'en tant que doctrine elle ne parvienne qu'imparfaitement à embrasser le monde : « Tant qu'il y a doctrine il ne peut y avoir qu'une compréhension imparfaite du monde ». Adaptant alors ses réponses non pas sur le fond mais dans la forme selon les confessions de ceux qui viennent l'interroger il n'en émerge aucune réponse ou système absolu.
La phrase la plus couramment répétée par Ma Ananda Moyi est « Jo ho jâye » qui avec le verbe être à l'impératif peut se traduire par « ce qui doit être ». Cette phrase exprime la confiance de Ma en la providence et son absence totale de revendication personnelle.
Elle meurt en 1982.


Définition préliminaire de la philosophie :
Pour nous départir de toute approche dogmatique nous souhaitons nous limiter à une étude étymologique et à celle de la définition des termes selon le Larousse.

« Philosophie » est le composé de deux termes grecs : philo de φιλεῖν, aimer, et sophia de σοφία, le savoir, la connaissance. On traduit donc généralement ce terme par « amour de la sagesse ».
Parler d'un amour de la sagesse c'est déjà induire plusieurs choses :
D'une part on parle d'amour et non de possession, il s'agit donc d'une quête, d'une attirance. Cela présuppose donc l'action ou tout du moins une attitude qui tend à se rapprocher de cette sagesse.
D'autre part la sagesse est définit par le dictionnaire Larousse comme :
« Idéal supérieur de vie proposé par une doctrine morale ou philosophique ; comportement de quelqu'un qui s'y conforme »
« Qualité de quelqu'un qui agit avec prudence et modération ; caractère de son action »
« Tempérance, modération dans les désirs, les plaisirs, la nourriture, la boisson, etc. »
«Caractère de ce qui demeure traditionnel, classique, éloigné des audaces ou des outrances »
Pour savoir si Ma Ananda Moyi est donc une philosophe au sens le plus originel du terme il convient donc d'étudier dans ses déclarations que nous avons pu lire à travers deux ouvrages2 si celle ci tend dans sa pensée à se rapprocher de l'une ou l'autre de ces définitions de la sagesse.
Mais parler de philosophie c'est également parler d'un exercice qui monopolise la plus haute capacité humaine, celle de la raison. On retrouve régulièrement le terme de « logos » dans les textes grecs pour signifier cette capacité discursive de l'homme qui consiste par le raisonnement à s'approcher de la vérité. Le logos est donc la raison autant que le discours qui est le fruit de sa réflexion.
C'est l'usage de ce logos qui caractérise le philosophe car c'est le logos qui est l'outils de cette tension de l'homme vers la sagesse. Il s'agit donc d'une pratique intellectuelle à l'image de ce que Socrate illustrait dans ses dialogues où de questions en questions il tachait de s'approcher toujours plus près de la vérité d'un concept.
Le philosophe est donc l'homme qui par le logos tend à se rapprocher de la sagesse.


« Idéal supérieur de vie proposé par une doctrine morale ou philosophique ;
comportement de quelqu'un qui s'y conforme »

La pensée prônée par Ma Ananda Moyi peut elle être un idéal supérieur de vie ? Si oui peut on dire qu'elle fait usage d'une doctrine pour la prôner ? Son comportement s'y conforme t il ?
La pensée de Ma est bien un idéal car il prône un état de conscience non présent immédiatement dans le réel mais que l'on pense et qui semble parfaitement adapté à son rôle, ici faire le bonheur de l'homme, quoiqu'il semble difficilement atteignable.
Quel est cet idéal ? C'est celui propre aux pensées indiennes qui consiste en un renoncement d'abord aux choses matérielles, ensuite à son égo pour faire la rencontre par une Illumination du Soi c'est à dire de l'Un, Brahman permettant la levée de toutes les illusions du monde.
Concernant le caractère supérieur de cet idéal Ma Ananda Moyi désigne cet idéal comme celui du surhomme. « Le mot bengali « manush » (homme) implique que l'homme possède le hush, le pouvoi de contempler le Divin. Un homme digne de ce nom peut devenir un surhomme. (Quand) l'âme humaine passe au delà des illusions sensorielles et devient la sur-âme  (…) un sur homme exprime sa nature supérieure essentielle. Ce que le sur homme accomplit lui fait réaliser l'unité essentielle de l'Etre ». Le sur-homme est donc l'homme qui aura su dépasser son égo pour atteindre l'unité avec le brahman. C'est selon Ma l'idéal de l'homme.
Cependant cet idéal pourrait n'être qu'une pure licence poétique ou une vue de l'esprit. Peut on parler d'une doctrine c'est à dire voir chez Ma Ananda Moyi une volonté réelle d’accéder à cet idéal ? Il y a bien chez elle une démarche, un amour qui n'est pas dans la contemplation poétique mais dans l'action :  « Tout d'abord l'on écoute, puis l'on réfléchit et enfin l'on fait passer dans l'action ce que l'on a entendu l'on fait passer dans l'action ce que l'on a entendu et sur quoi l'on a médité ». Mais pour parler de doctrine il faut encore que cette action soit orientée par des règles de conduites. Au seins de ses ashrams Ma Ananda Moyi a listé une certaines parties de ces règles qui sont basées sur le respect de la hiérarchie, des anciens, la politesse et le refus de toute animosité. De plus elle considère comme primordial la soumission à son gourou : « Lorsque vous vous êtes abandonné au gourou, il peut faire n'importe quoi, vous soumettre à toute sorte d'épreuves, et vous vous considérez comme un instrument entre ses mains. Vous avez alors atteint un niveau où, en dépit de toutes les difficultés, vous persistez dans votre travail en sachant que c'est votre gourou qui le veut. N'oubliez par cette attitude vous développerez constamment votre endurance, votre patience et votre persévérance ; votre énergie et vos capacités en seront accrues. ». Cette soumission au gourant participe en parti aux efforts portés dans les sadhanas, ascèses ayant pour but de favoriser la concentration du méditant. Ces sadhanas elle le décrit comme nécessairement rigoureux à la façon d'un élève étudiant à heure fixe, ils doivent éduquer l'homme à la concentration. Une sadhana particulièrement difficile doit être vue comme l'effet des karmas précédents. Néanmoins on ne pas réellement parler ici de doctrine. En effet si la méthode, les règles de vies, sont bien précisées, aucune pensée n'est assénée comme vérité. Ainsi Josette Herbert peut elle dire : « Bien que ses réponses soient basées essentiellement sur la sagesse indienne des rishis et des munis, il est impossible d'en tirer un système philosophique. Elle n'impose jamais une solution a un problème mais indique plusieurs façon de le considérer. ».
Elle prône une rigueur ascétique qu'au reste elle n'invente en rien mais ne prétend pas détenir une vérité et à ce titre n'a jamais eu de disciple personnel. De son propre avoeu la rencontre avec le Soi est indescriptible par les mots : « On sait de par une perception directe que si l'Un existe, tout existe, mais puisqu'il y a l'Unique et rien d'autre que l'Un, rien ne va ni ne vient et pourtant tout va et tout vient, il est impossible de l'exprimer par des mots ». On peut donc parler pour Ma Ananda Moyi d'une éducation plus que d'une doctrine.
Cette sagesse définie, une sagesse qui consiste à faire l'expérience de la vérité et à inviter autrui a en faire l'expérience plutôt qu'à lui donner directement les vérités obtenue, induit nécessairement chez celle qui la prône une attitude en conformité avec cette accès au Soi, à la vérité hindoue. En ce sens les éléments biographiques ne manquent pas, les périodes de jeunes et d'isolement succédant aux périodes de pèlerinages, toujours dans un grand dépouillement matériel.
Si la sagesse de Ma Ananda Moyi n'est pas une doctrine on peut cependant lui accorder de bel et bien prôner un idéal de vie supérieure et de s'y conformer. De plus l'objectif suivis est celui des philosophes : « Vous devez aspirer a ce qu'il n'y ait aucune interruption dans votre recherche de la vérité ».

« Qualité de quelqu'un qui agit avec prudence et modération ;
caractère de son action »

La pensée de Ma Ananda Moyi s'accorde-t-elle avec l'idée que l'on se fait de la prudence ?
De la modération ? Son comportement s'y conforme t il ?
Conformément à la tradition indienne la pensée de Ma Ananda Moyi refuse toute dualité entre le soi et le toi, le soi et le monde extérieure selon le principe que Brahman est bien en toute chose : « -Certaines fois nous avons l'impression que les objets existent réellement et d'autre fois qu'ils ne sont que des idées...  - Parce que vous êtes entre les griffes du temps. Vous n'avez pas encore atteint le stade où tout est perçu comme le Moi n'est ce pas ? ». Cette citation exprime l'idée selon laquelle il n'est que l'Un. Aussi peut elle dire « Jo ho Jaye » : tout est bon, car tout est selon les disposition de la divinité. Aussi peut on comprendre l'importance chez Ma du don de soi, de la disparition de l'égo car l'égo est une barrière illusoire entre l'homme et l'Un. C'est à ce titre qu'il doit refuse les tentations du monde extérieur qui renforce cette barrière : « Vous posez des questions sur les objets des sens (vishaya), c'est ce qui contient un poison et mille danger qui entrainent l'homme vers la mort. Mais être libéré du monde des objets des sens (nirvishaya), être là où ne subsiste aucune forme de poison, c'est l’immortalité ».
Peut on considérer qu'il s'agit d'une position prudente ? Si l'on considère que la prudence consiste à minimiser les dangers alors il est probable qu'il ne s'agisse pas d'une pensée prudente, car Ma admet que le sadhana nécessaire à celui qui veut atteindre l'Illumination est une étape parfois douloureuse. Si cependant la prudence est pris à son sens plus large de soucis des conséquences alors le constat est plus nuancé. Ma Ananda Moyi se préoccupe des conséquences mais en un même mouvement elle les écarte car après l'Illumination il n'y a plus de conséquence, uniquement l'Un :  « Plus tard lorsque vous serez détaché même du détachement, il n'existe plus de problème du détachement ou du non détachement. Ce qui est est l'Un. ».
Face à ces déclarations lapidaire on pourrait remettre en question la modération de ses paroles. Néanmoins il s'agit pourtant d'une position éloignée des excès car cette position tient compte du caractère faillible de l'homme : « L'homme est tiraillé dans deux direction, Dieu d'une part et les plaisirs d'autres parts, et de là provient son angoisse. Ce monde n'est rien de plus que la concrétisation du désir, et c'est pourtant tant que l'on est pas satisfait on continue de souffrir. ». C'est pourtant l’ascèse est nécessaire, c'est une conquête par étape et avec l'aide d'un gourou qui permet de faire connaissance avec le Soi.
Aussi peut on considérer la pensée de Ma Ananda Moyi comme une pensée modérée mais non prudente car elle exige de ceux qui l'écoute une foi totale: « Il faut absolument avoir la foi. » et une aspiration à un idéal spirituel qui nécessite un réel engagement physique car la vie intérieure est décrite comme strictement supérieure à la vie extérieure, matérielle.

« Tempérance, modération dans les désirs, les plaisirs, la nourriture, la boisson, etc. »
Par rapport aux biens matériels peut on considérer que sa pensée prône la modération ?
C'est sans doute un des points les plus certains de sa philosophie. Les biens matériels sont vu
comme des entraves à l'élévation spirituelle car ils introduisent une distinction entre le moi compris comme égo et le tout. Le désirs est interprété comme une cause au malheurs des hommes car on ne peut jamais l’assouvir complètement : « sSi vous désirez ardemment certaines choses extérieures ou si vous vous sentez spécialement attiré par une personne, vous devez vous arrêter et vous dire « Attention ! Tu es sous le charme de ceci ou de cela ! » ». La méditation doit mener à un désintérêt total pour les biens matériels :  « Après une méditation authentique, les plaisirs du monde deviennent fades, ternes, sans saveur.  Cependant ceci ne veut pas dire que vairagya implique de l'aversion ou du mépris pour les choses de ce monde, elles deviennent tout simplement inacceptables, le corps les refuse. ».
De plus l'insatisfaction est vu comme un bienfait tant qu'elle permet la progression de l'homme : « Dieu ne vous accorde qu'un tout petit peu, juste asez pour entretenir votre mécontentement, car sans mécontentement il ne peut y avoir de progrès (…) Dieu lui même allume en vous le sens du désir en vous accordant une petite chose, simplement pour aiguiser votre appétit d'une plus grande ».
La pensée de Ma Ananda Moyi est donc une pensée de la modération dans les plaisirs matériels et qui se sert de l’insatisfaction produite à des fins spirituelle pour accroitre un désir plus noble d'absolu.

«Caractère de ce qui demeure traditionnel, classique,
éloigné des audaces ou des outrances »
La pensée de Ma Ananda Moyi est elle une pensée traditionnelle ?
La pensée de Ma s'inscrit totalement dans la tradition hindouiste qui la précède, elle prodigue le même enseignement que ses prédécesseurs et sa vie fut organisé dans le respect des traditions jusque dans sa vie privée en tenant malgré sa popularité la place traditionnelle de l'épouse dans la société hindouiste.
Sa pensée repose plus généralement sur le respect des anciens, les règles de ses ashrams précisent :  « Si un ainé ou un supérieur parle à quelqu'un d'autre, il ne faut le déranger ni en intervenant ni en bavardant. ».
Concernant les outrances elle est contre les manifestations extraordinaire et se méfie des miracles publiques : «  Tout le monde me demanda alors de montrer des objets qui viendraient à moi par des moyens surnaturels ; (…) pourtant de ce corps ci (le sien) il sortit rien de ses propres mains (…) qu'il s'agisse de l'événement le plus simple ou le plus extraordinaire – appelez le comme vous voudrez, ce qui reste valable pour ce corps-ci aujourd'hui et qui l'a toujours été, c'est simplement ceci : ce qui doit se produire survient tout naturellement. ».
Sa pensée fut donc traditionnelle et non ostentatoire.








Ma Ananda Moyi aimait elle la sagesse ? :

Au vu de ces différentes définitions étudiées de la sagesse on peut répondre avec certitude que Ma Ananda Moyi aimait la sagesse et non le mysticisme ou autre déviance religieuse. Par l'idéal de vie qu'elle prônait, tant au niveau du but que de la méthode, elle fut l'héritière d'une longue tradition de sagesse hindouiste qu'elle perpétua par la création d'ashram dans le monde entier. Elle aimait la sagesse tant comme idéal de vie traditionnel et régulateur que comme moyen de progresser dans sa réflexion spirituelle.

Ma Ananda Moyi était elle philosophe ? :
Néanmoins nous ne pouvons pour autant faire de Ma une philosophe au sens occidental du terme. En effet Ma Ananda Moyi prône une pensée essentiellement basée sur une révélation qui amène l'homme vers un transcendant qu'il ne peut décrire, à plusieurs reprise elle affirme cette indescriptibilité de l'Illumination comme ici : « Sur le plan où cette question surgit (celle d'une description d'un des effets de l'Illumination sur le corps), l'individus n'est pas à l'état d'être pur et il pense que cette question peut être posée et que l'on peut y répondre ». En réalité dans la pensée de Ma le discours n'est qu'un maigre moyen de transmission. L'idéal serait que chacun puisse atteindre l'Illumination par sa rigueur et sa pratique du Sadhana pour en faire l'expérience physique. Car cet état et la vérité du Soi n'est pas descriptible par les mots, les mots sont encore de ce monde matériel qui entrave la conscience de l'Unique. Ainsi il ne peut y avoir de question et de réponse dans ce monde puisqu'il ne peut y avoir de division dans la connaissance. Tout étant dans le Tout. Or si le philosophe occidental admet que toute connaissance vienne de l'expérience il ne peut admettre une absence totale de parole et de communication, tout simplement parce qu'à la manière d'un Socrate faire de la philosophie revient à poser des questions, il « sait qu'il ne sait pas » quand Ma Ananda Moyi peut affirmer qu'elle sait quoiqu'elle ne puisse dire ce qu'elle sait. Il s'agit bel et bien d'une sagesse mais d'une sagesse qui ne peut faire l'objet d'une pratique philosophique, il ne sert à rien de disserter sur l'Unique tant que l'on en a pas fait l'expérience, quand on en a fait l'expérience cela n'est plus envisageable faute de mots pour traduire cette expérience. Le philosophe occidental n'admet pas non plus l'idée d'une vérité transcendante qui tomberait sur l'homme grâce à sa pratique sans que celui ci n'ait rien lu, rien entendu... Même les philosophes chrétiens partent d'une lecture de la Bible quand Ma Ananda Moyi part uniquement de sa propre expérience physique car elle n'a pas reçu d'éducation religieuse.
Si Ma Ananda Moyi reste cependant intéressante pour les philosophes occidentaux c'est parce qu'elle nous permet de nous interroger sur notre ethnocentrisme qui veut qu'une sainte indienne, un « gourou », soit nécessairement entouré de dévot fou voir servile. Sa pensée éclaire l'attitude des croyants indiens basée sur une sagesse ancienne où l'adoration du gourou représente l'adoration de l'Un. Elle nous permet de percevoir la façon dont cette sagesse ancestrale indienne perdure de nos jours intactes quoiqu'ayant évolué vers plus de compréhension envers les castes les plus basses et jusqu'aux autres religions. Elle nous permet également de saisir une autre métaphysique où le corps n'est pas l'opposé de l'âme mais l'outils de son élévation permettant l'Illumination. Enfin elle nous permet de remarquer certains ponts entre nos deux cultures : l'ascèse comme discipline de l'esprit par le corps, le détachement aux biens matériels cause de nos déceptions, le respect dû à l'éducation du maître... Loin d'être un extrême différent Ma Ananda Moyi est bien l'une des tenante d'une sagesse sans culture, universelle.
Celle que l'oeil occidental pourrait presque prendre pour folle s'affirme comme une sage du siècle dernier.
























Conclusion :
Se demander si Ma Ananda Moyi pouvait être considérée comme une philosophe c'était s'interroger sur ce que nous entendons par faire de la philosophie. Nous comprenons ainsi que faire de la philosophie en occident ce n'est pas seulement aimer la sagesse. C'est également « faire » de la philosophie, c'est à dire réaffirmer l'importance du logos, du discours discursif. Au fond la philosophie occidentale prétend rechercher la vérité, mais était ce vraiment son but à l'origine ? Lorsque l'on observe le « je sais que je ne sais pas » de Socrate et la fin presque toujours aporétique de ses discours on peut envisager l'idée selon laquelle la philosophie occidentale correspond d'avantage à une pratique rationnelle, pratique qui à notre époque se pique de logique, de science, qu'à une certitude de pouvoir un jour établir une vérité fixe.
Car Ma Ananda Moyi n'est assurément pas à ce sens une philosophe. Elle professe une sagesse certaine mais basée sur une certitude, celle que procure l'expérience de l'Un, de l'Unique. Cette expérience qui ne peut être décrite rend la foi nécessaire, plus que le logos, à l'adoption de sa pensée. Cette foi échappe à l'amour de la sagesse grecque car elle ne peut être attirée par une définition, un discours.
Néanmoins en affirmant la sagesse du discours de Ma Ananda Moyi nous affirmons plusieurs choses. D'une part que le regard ethnocentrique que l'on pourrait avoir face au scène d'adoration en Inde nous prive d'une ressource non négligeable de connaissance, connaissance métaphysique, morale, spirituelle... D'autre part que la sagesse n'est pas le lot d'une culture, d'une civilisation, d'un courant de pensée, mais bien une donnée partagée quoique vécut différemment.
Cet extrême différent agit comme un miroir qui renvoi l'homme occidental à ses fantasmes et ses peurs : si sa civilisation n'est pas la seule à éprouver cet amour de la sagesse, que penser de ce voisin dont on a minimisé l'importance intellectuelle de la culture ? Doit on reconsidérer les sagesses africaines, mayas, chinoises ? C'est certainement un travail à entreprendre que de se rendre compte que l'arme de la philosophie qui permet d'assurer sa supériorité intellectuelle n'en est pas une mais seulement une expression parmi d'autre de ce que l'on peut appeler « sagesse » et que son amour n'est ni le propre d'une méthode, d'une culture ou d'une matière académique.
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