Auteur : Moriyama Daisuke
Genre : Seinen, Action, Fantastique
Volumes : 8 FR (Kaze), 9 JP
Parution : 2005- (en cours)
Pas d'adaptation.
Synopsis : Un virus mortel se propage à travers l'humanité, transformant les gens en monstres difformes et sanguinaires, les Kanshu. Et pourtant personne n'est au courant de leur existence, en dehors d'une organisation secrète nommée FLAG, dont les membres, possédant des pouvoirs surnaturels, sont chargée d'exterminer les monstres et de détruire la source de l'infection. Lorsqu'il reçoit un message de sa cousine théoriquement morte deux ans plus tôt, Riku Amami ne se doute pas qu'il vient d'être entraîné dans la lutte impitoyable entre FLAG et Kanshu, ni que l'étrange cocon qui entre en sa possession tient le destin de l'humanité dans sa, euh, coquille.
Je ne sais pas exactement pourquoi mais j'ai immédiatement accroché aux premières pages du manga. Les premiers morceaux du scénario s'assimilent rapidement (pas de dialogues interminables explicatifs sur ce qu'il y a à savoir) mais suggèrent une intrigue riche. Riku notamment a déjà un background, un passé qui ne nous est dévoilé que petit à petit. A priori, je me disais que ça serait un classique seinen du style : le héros découvre que des forces du mal inconnues du grand public complotent la fin du monde ; avec l'appui d'une organisation secrète il obtient des super-pouvoirs qui lui permettent de combattre l'ennemi pendant des tomes et des tomes jusqu'à la bataille finale où se décide le sort de l'humanité. Et c'est vrai qu'en gros c'est ça l'idée. Mais World Embryo possède un certain nombre de caractéristiques qui lui donnent toute sa particularité.
Par exemple, tous les aspects surnaturels du manga sont liés à la mémoire. Les monstres (appelés Kanshu) peuvent infecter les gens et se nourrissent de leur mémoire, les tuant ou les transformant à leur tour en Kanshu. Lorsque quelqu'un est tué par un Kanshu, tous ceux qui le connaissaient l'oublient immédiatement, comme s'il n'avait jamais existé, et les personnes qui en étaient les plus proches entrent dans un état végétatif permanent dû aux contradictions engendrées par la perte de mémoire, devenant ainsi des "lost rebound". L'idée est vicieuse : personne, sinon le FLAG, n'est là pour pleurer les victimes innocentes ou ceux tombés au combat.
L'histoire se montre en fait plus complexe qu'elle ne le laisse deviner au premier abord. Les éléments clés de la trame scénaristique ne sont pas du tout dévoilés dans une bonne première moitié du manga. De fait on assiste au déroulement des événements sans vraiment comprendre ce qui se passe. De nombreux personnages font leur apparition mais bien qu'on leur devine un lien évident avec l'histoire centrale, leur rôle reste longtemps obscur. En nous refusant l'accès aux véritables enjeux de l'intrigue Moriyama parvient à nous surprendre et ces imprévus ne sont rien de moins que la preuve qu'il ne se plie pas aux schémas conventionnels. Je pense par exemple à la fragilité inattendue d'un FLAG presque systématiquement mis en échec.
J'ai eu tout de même quelques difficultés à comprendre certains passages, et si ça ne vient ni de moi, ni de Moriyama, je soupçonne la traduction de ne pas être parfaite. Je ne suis pas bilingue mais je n'ai jamais eu de souci à lire des scans en anglais, et quand d'une bulle à l'autre un personnage passe de la 2e personne à la 3e ou du singulier au pluriel j'me pose des questions parfois. Sans compter que les pages sont pas toujours dans le bon ordre. Prudence donc, pour ceux qui lisent les scans en ligne.
Les combats sont assez nombreux et généralement courts. Pas de botte secrète, pas de technique spéciale hurlée sans véritable raison, mais pour autant la mise en scène ne fait pas du tout "amateur" (à la TLR/TLRD), peut-être à cause des morts. Parce qu'il y en a pas mal, des morts, même parmi les personnages importants. Les échanges sont intenses mais ne trainent pas en longueur. En ce sens les combats ne manquent pas d'envergure. Les poses sont maîtrisées, les armes parfois originales (cf la toupie-perceuse géante de la gamine).
Bien que d'une tonalité globalement assez dramatique, le manga est plein d'humour. Pas de cet humour qui surgit lors du climax d'un arc, souvent en cassant net l'ambiance, mais plutôt un humour dosé qui n'abaisse la tension que lorsque la situation s'y prête un minimum. Le personnage grandissant de Neene rajoute une touche comique bienvenue et rythme le manga sans toutefois trop en faire.
Les personnages ne sortent pas de l'ordinaire mais restent soignés, le principal défaut étant que, de même que l'intrigue, beaucoup d'entre eux sont développés tardivement. Donc, oui, c'est mille fois mieux que de les laisser tout lisses, mais on met parfois du temps à être convaincu. Une bonne chose, c'est que ceux qui meurent sont suffisamment développés pour qu'on soit désolé de leur mort. L'auteur a au moins franchi ce cap.
Enfin, les dessins sont excellents. Le chara design d'à peu près tout le monde m'a plu. Moriyama a ce trait, très propre, qui rend les poses des personnages très classes sans pour autant passer pour arrogants. Ils n'en font pas trop, leur tête ne sont pas farfelues, mais cela n'empêche pas l'auteur de laisse libre cours à ses fantaisies quand il le veut. Le design des modes Kensei est peut-être un poil simpliste mais là c'est plus une question de goût. Ce n'est pas du Katsura mais vraiment il n'y a presque rien à redire sur le dessin.
Et puis y a les oreilles de loup§§
En conclusion, un très bon seinen, et pour cause : les aspects plutôt classiques et conventionnels du manga sont au moins traités avec maîtrise et forment une base solide pour les quelques idées originales ajoutées par-dessus. Bien que certaines révélations auraient pu être mieux amenées (plus tôt ? plus de suspense ?), Moriyama a sans aucun doute planifié son histoire depuis le début et c'est un plaisir de suivre l’œuvre jusqu'à son dénouement qui pointe aujourd'hui le bout de son nez.