Auteur : Yokota Takuma
Genres : Seinen, Romance, Drame, Comédie
Longueur : ~4 tomes
Parution : 2004 (terminé)
C'est en me baladant sur MAL que j'ai remarqué l'arrivée d'un petit nouveau dans le top 10. Il y a un peu plus de deux semaines, à la veille du nouvel an, une team de scantrad anglophone venait d'achever la traduction d'un doujinshi datant un peu, Chikan Otoko (Molester Man en anglais). Du même auteur qu'
Onani Master Kurosawa. Je me suis jeté dessus sans plus attendre.
A vrai dire, Yokota n'est pas l'auteur de MM. Il n'a fait "que" retranscrire sous format manga une anecdote postée sur
2ch, d'où l'appellation de doujinshi (moi qui croyais que ce n'étaient que des mangas érotiques). Et, bien que je n'ai jamais lu le topic en question, je ne doute pas un seul instant que Yoko soit resté fidèle à l'histoire originale. Car il y a un bien un petit quelque chose de réel dans son doujin.
La réalité, on la voit à travers Molester, otaku moyen sans ami séchant les cours à l'uni, employé à temps partiel, 95% de son temps libre devant l'écran, puceau et renfermé sur lui-même. C'est lors d'une méprise, où il est pris pour un dangereux stalker, qu'il fait connaissance avec sa jeune et jolie "victime", Miss Understanding, dont il devient rapidement l'ami. Il a ensuite l'occasion de rencontrer d'autres gens, ses collègues serveuses : Miss Loli, Kansai et Yamaoka. Des amies enfin à même de l'extirper de sa solitude et de ses mauvaises habitudes.
Vous vous imaginez déjà que tout ça va faire un beau petit harem et qu'au bout de quelques plates péripéties se trouve un happy ending pour lui et Miss Undie ? À peu de choses près vos préjugés vous donnent faux sur toute la ligne.
Sans plus m'attarder, ce qui pour moi fait toute la force de ce manga se résume en trois points :
- MM est d'un degré de réalisme rarement égalé. Pas d'exagération, pas de compromis, Yokota nous livre son anecdote presque sous forme brute. Le mode de narration est un peu spécial, en effet, on est dans la peau de Molester (l'auteur du thread original sur 2ch) et Molester raconte lui-même son histoire à son public d'otakus et de geeks anonymes sur le net. Ainsi, on a aussi bien accès à ses pensées du moment (le personnage) que celles rétrospectives (le narrateur). Sans nécessairement être otaku soi-même, on s'identifie à Molester sans faire le moindre effort. Là où Yokota marque un point, c'est que plutôt que de s'attarder sur ce qui arrive tout le temps dans les mangas (que j'appelle clichés), il insiste sur ce qui arrive tout le temps dans la réalité.
En même temps, quoi de mieux pour support réaliste qu'une histoire vraie ?
- MM est vraiment marrant. Pas ce genre d'humour un peu spécial visant un public particulier, c'est du comique ouvert à tous, à base de jeux de mots tordus, de blagues stupides mais pas lourdes à lire, de remarques foireuses du narrateur, de maladresses qu'on trouve étonnamment familières (rendant le doujin d'autant plus réel) et également de références bien calculées. Hayate no Gotoku (et peut-être GTO) excepté, je n'ai jamais autant souri, voire rigolé en lisant un manga.
- Enfin, malgré sa longueur, MM ne se précipite ni ne traîne sur rien. L'histoire a son point de départ, se développe de façon cohérente sans jamais nous ennuyer, et nous transporte jusqu'à sa conclusion en bouclant proprement la boucle. J'ai eu ce même sentiment de complétion en achevant MM que lorsque j'ai fini OMK. Je n'ai pas grand-chose à dire là-dessus, sinon que c'est le point le plus général et le plus essentiel pour faire d'un manga un chef-d’œuvre à mon sens.
Car c'est bien ce qu'est Molester Man. En mêlant tonalités comiques et dramatiques, Yokota contrôle parfaitement la tension d'une histoire débarrassée de tout stéréotype, qui refuse le nunuche à l'intrigue romantique et qui avance rapidement sans pour autant faire l'impasse sur les détails. Un pur plaisir de lecture démontrant une fois de plus qu'il n'y a pas besoin de monstres et de fin du monde pour être intense et immersive.