Voici un Shojo carrément à part des productions grand public dessiné par Setona Mizuchiro et qui traite de manière dérangeante et originale des problèmes liés à l’identité sexuelle.
Non ne fuyez pas XD, et ne vous fiez pas aux couvertures,ni au titre.
Laissez moi vous expliquez^^' :
Tout commence par le souci de Mashiro Ichijo, interne dans un Lycée mixte, qui possède un corps à la fois masculin (torse) et féminin (le bas).
En dépit de cet état de fait Mashiro se considère comme un homme et essaie tant bien que mal de se montrer à la hauteur.
A la hauteur puisque selon lui un homme se doit d’être fort, sensible, galant, compréhensif…et ne pas connaître la faiblesse.
Prisonnier de son cliché de l’homme parfait qu’il essaie d’atteindre, Mashiro rencontre So Mizuhashi au club de kendo, un garçon désinvolte traînant une réputation de tombeur sans cœur qui va lui faire sa déclaration, persuadé que Mashiro est une fille.
Comment connaît-il son secret ?
Déstabilisé,Mashiro pense alors que c’est peut être à cause du cours à l’infirmerie auquel l’a convoqué une étrange infirmière qu’il n’avait jamais vu avant…
Ce cours consiste à s’allonger dans un lit, et s’endormir pour se réveiller dans un monde onirique où chaque participant revêt l’apparence de son propre cœur (qui souvent leur enlève jusqu’à l’image d’être humain, personne ne sait qui est qui dans la réalité).
Dans ce rêve Mashiro est habillé d’un uniforme féminin et est presque le seul à conserver son apparence « normale », du coup l’anonymat lui est enlevé et n’importe quel participant peut connaître sa véritable identité
Il y rencontre entre autres Kuréha, une jeune fille qui hait et craint les hommes à cause d’un passé traumatisant...
et une armure qui l’agresse violemment déchirant son uniforme devant tous les autres.
Etait-ce So ?
Vexé et profondément blessé Mashiro perd la partie dans ce premier cours.
Car pour pouvoir quitter le Lycée il faut briser ,durant le rêve, les autres participants psychologiquement et trouver la clé qui ouvre la porte de sortie.
Chaque participant possède trois chances matérialisées sous la forme de collier à trois perles blanches qui se brisent sous un assaut si le cœur ou l’esprit est touché.
Et la clé se trouve dans l’un des élèves.
C’est donc une véritable boucherie à chaque cours, chacun caché derrière l’abjecte apparence que leur donne leur cœur.
Mashiro quant à lui cherche sa revanche contre l’armure tout en protégeant Kuréha avec qui il s’est lié d’amitié de manière perverse pour assouvir à son insu le rôle d’homme sauveur de demoiselle en détresse.
Il fuit dans la réalité So qui continue de lui poser des questions sur son identité sexuelle, et se pose en homme parfait pour Kureha qui ne devient rien de plus qu’un faire valoir de la masculinité à laquelle il aspire.
Ainsi se noue des relations malsaines entre les personnages, partagés entre l’admiration et le dégoût que parfois eux même s’inspirent sur fond de remise en question hasardeuse et souvent pénible.
On apprend alors que les plus belles apparences peuvent cacher les personnalités les plus abjectes et les sentiments les plus honteux.
Chaque cours laisse Mashiro effondré et plein de question ; Qui sont les participants ?Qui est celui qui se cache dans l’armure ?Qu’y a-t-il derrière cette porte ?Et que se passe-t-il quand on la franchit ?Ou va-t-on ?Que ressent-il pour So ?
Sympathique et intéressante métaphore de l’adolescence, dessiné avec grâce, légèreté et finesse, l’auteur nous entraîne dans une quête étrange et bouleversante, n’hésitant pas à flirter avec l’hémoglobine et la violence pour secouer son personnage principal indécis.
So lui sait ce qu’il veut…c'est Mashiro
…mais une multitude de problèmes l’empêche de s’exprimer pleinement, dont sa sœur aîné qui veut l’entraîner vers l’inceste lui serinant qu’elle est la seule qui l’aime et qui peut le comprendre, et que Mashiro ne lui apportera rien, et ne l’écoutera pas.
Kuréha quant à elle se complait au début dans son rôle de victime des hommes laissant à Mashiro la partition de l’homme parfait, du prince charmant .
Puisqu’elle connaît son secret elle ne le craint pas comme les autres garçons, ce qui blesse parfois Mashiro lui rappelant cruellement que le seul côté masculin qu’il pourra avoir jamais ne se trouvera pas dans un rapport physique.
Et chaque problème se retrouvera mis à nu dans le fameux cours, on ne peut pas y mentir, c’est le cœur qui fait loi et on ne peut y échapper, pas plus qu’à l’apparence qu’il donne aux élèves.
La honte, le dégoût, la frustration, la colère, l’envie…
Tous ces sentiments joués par des personnages symbolisés dans les rêves par des apparences déstabilisantes tout en étant le parfait reflet de leur cœur.
Rien qu’en les voyant nous savons à quoi nous avons affaire ; à l’image de cet élève qui prend l’apparence d’une main géante, symbole de sa convoitise qu’elle dissimule dans la réalité, et Kuréha dont les habits contre la pluie ne sont rien d’autre que la métaphore de la protection envers cet élément qui s’insinue partout et que rien n’arrête, ou encore l’armure qui cache et protège à la fois permettant d’agresser sans crainte…
Tout est possible dans ce cours, les décors changent souvent, allant parfois même jusqu’à projeter les participants chez l’un d’eux, et à lui de protéger son intimité.
L’intimité, l’un des points le sensible pour tout le monde, et c’est ce quoi ce manga rassemble car il traite de ce sujet de manière sensible et à la fois violente, ce qui nous permet de nous identifier aux personnages dont l’intimité est souvent violé de manière abrupte dans les rêves, Il n’y a pas de concessions, on est à nu et il faut se battre si l’on veut la préserver.
Et par extension c’est ainsi que se définit le degré de proximité qui s’instaure entre chaque être humain= « Toi je te laisse passer, toi je ne t’aime pas je ne t’autorise pas à voir mon passé, mon corps, mes rêves… et tout ce que je considère comme m’appartenant ».
Concernant la mise en scène tout s’enchaîne très bien entre rêves et réalité, et il y vraiment peu de temps mort, même les personnages secondaires sont importants.
Mais le plus intéressant c’est qu’il n’y pas d’ « ambiance » dans ce manga, ou si je devais vraiment la nommer je parlerais des couloirs d’un hôpital.
Tout est clair, brillamment éclairé, peu de fond noir, la nuit ne joue pas de rôle prépondérant, et les décors de la réalité sont à peine suggéré ; on les voit mais on le ressent pas.
Cette atmosphère chirurgicale convient parfaitement aux thèmes abordés ; l’intimité bafouée, le cœur dévoilé sans fioriture, et le besoin express d’analyser celui des autres pour pouvoir s’en sortir pendant le cours.
6 tomes de parus en France et rien encore ne laisse présager comment vont finir les trois personnages principaux, ni de ce qu’il y a derrière cette porte permettant de quitte le lycée...
D'autres séries du même auteur sont arrivés chez nous; Diamond Head, S2, X-Days, et Le jeu du chat et de la souris.
Son style se reconnait tout de suite même s'il ne dévie pas des critères shojo comme les garçons très très androgyne, son coup de crayon reste particulier et les thèmes abordés souvent sensibles et dérangeants comme dans X_days ou deux élèves prévoient de faire sauter leur école pour taire le mal être qu'elle leur apporte.